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à leurs morts, comme à leurs blessés, les soins qui leur étaient dus, ils
ont repris la route de leurs montagnes ; et le 25, on n'en apercevait
plus aucun, même sur les points les plus éloignés.
Telle a été l'affaire de M'jez-Ammar, où nous avons eu à combattre
des troupes sous les ordres immédiats du boy, auxquelles était ad-
jointe sa propre garde, ainsi qu'un grand nombre de Kabaïles de
Bougie, et dont les forces dépassaient de beaucoup les nôtres. Nous
avons eu en batterie jusqu'à quinze pièces, qui ont tiré trois cent
soixante et dix coups, et l'infanterie a brûlé vingt-deux mille quatre
cents cartouches.
Jamais peut-être les Arabes n'avaient déployé autant de courage,
de vigueur et de persévérance ; on se battait à portée de fusil ; des
Kabaïles ont même été tués jusques sur nos retranchements ; et les
choses allèrent au point que, le 23, notre position ne laissa pas d'être
un moment inquiétante ; mais une manœuvre habile, proposée par
Maléchard et adoptée par le général Rhulières, dégagea heureusement
notre armée compromise. Il fallut toute notre supériorité dans l'art
de la guerre, toute la valeur de nos soldats et surtout la conscience
du sort affreux qui les attendait s'ils étaient vaincus, pour triom-
pher, avec autant de bonheur d'ennemis aussi nombreux et aussi
acharnés.
Durant ces trois journées, chacun, sans contredit, paya largement
son tribut de bravoure et de dévoûment ; mais celui qui se signala de
la manière la plus brillante, fut incontestablement le chef-d'escadron
Maléchard. Il n'y eut, à cet égard, qu'une seule voix dans tout le
camp, le général Rhulières s'est plu lui-même à rendre le plus hono-
rable témoignage du talent, de la capacité et de la prudente énergie
que cet officier déploya dans l'action, Il a même déclaré que ce fut Ã
ses savantes dispositions que l'on dût la victoire,
La favorable issue de cette affaire eut pour résultat, non seulement
•la conservation du petit corps d'armée qui gardait le camp de M'jez-
Ammar, mais celui, peut-être plus important encore, de l'influence
morale exercée sur les Arabes ; et l'on sait combien ces peuples su-
perstitieux se laissent facilement conduire par de telles influences.
L'inutilité des efforts inouis qu'ils venaient de faire, les pertes qu'ils
avaient essuyés, les frappèrent d'une terreur si grande, que nous