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cessent ; on regarde le Rhône avec tristesse ; il y a un pres-
sentiment dans l'air: on attend quelque chose d'affreux qui
va se passer.
    « Un jeune homme de dix-sept ans, nommé Pierre Gauthier,
attaché au service du paquebot l'Eclair, descend l'escalier
suspendu pour puiser de l'eau, il glisse sur la dernière marche
humide, et tombe sous la formidable roue qui le refoule dans
des masses d'écume. Un immense cri d'épouvante retentit
sur le pont ; puis un grand silence se fait, et tous les regards
se portent sur le fleuve. A trente pieds du paquebot, on voit
reparaître Pierre Gauthier, nageant d'une seule main ; l'autre
avait été brisée par la roue. On bat des mains -, le malheureux
est sauvé ; le capitaine a lancé au fleuve le canot de sauvetage
 avec deux mariniers. En ce moment, l'anxiété des voyageurs
 est au comble. L'enfant nage toujours, mais il semble épuisé ;
sa tête se lève avec effort, et retombe sur la vague comme sur
 un oreiller de repos. On crie de toutes parts aux mariniers,
 voguez, voguez; plus vite ; il est perdu! La petite barque
 lutte contre le courant : elle n'est plus qu'à six pas de Pierre
 Gauthier; elle va l'atteindre ; tous les bras des voyageurs
 s'agitent dans cette direction, comme autant de rames auxi-
 liaires ; le pauvre enfant fait un suprême effort, pousse un
 dernier cri et disparaît ; sa main convulsive s'élève encore
 quelques secondes au-dessus de l'eau, pour demander l'aumône
 d'un dévouaient. Les mariniers se retournent vers le paquebot,
 les bras croisés, en disant, noyé !... Marchez I dit le capitaine,
  et l'Eclair, immobile pendant cet horrible drame, reprend
  son vol vers Beaucaire, avec sa force de cinquante chevaux.
 Les mariniers sont remontés à bord ; toutes les marchandises
  sont à leur place, il n'y a qu'un ballot de moins !
     « Vous ne sauriez vous imaginer de quelle horreur nous
 avons été saisis sur ce paquebot, qui traînait à la remorque
  un cadavre. Tous les visages étaient pâles ; il nous semblait
  que nous étions tous complices de cette mort. Autour de nous
  se désolaient de généreux et ardents jeunes hommes, qui se
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