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EN OISANS 137 Puis on attaque une cheminée, quelques couloirs, et enfin, après une petite descente à l'est, on tombe sur le Glacier Carré, sur le Glacier Carré... où on mange, Gaspard Va dit. Alors nous débouclons les sacs avec une jouissance intense, causée non seulement par [la perspective du repas ou par celle du repos, mais par ce moment de répit qui nous est accordé au bout de trois heures d'une escalade insensée et aussi, par la satisfaction d'avoir passé le plus mauvais : il reste bien là -haut, sur le Grand Pic, le vilain Chapeau de Capucin, mais nous ne doutons plus de rien ! La plateforme ou terrasse du Glacier Carré située à 3,787 mètres d'altitude, est large de deux mètres et bien abritée du nord et du nord-ouest, par la grande muraille qui la surplombe de ce côté ; les autres côtés sont des à -pics de huit cents mètres. Nous y restâmes une heure et demie pour attendre que le soleil ait donné sur le versant occidental du Grand Pic qui devait être, selon Gaspard, tapissé de verglas. Après le repas, mes compagnons s'endorment profon- dément. J'essaye sans succès d'en faire autant, mais la vue est trop belle sur cette chaîne des Ecrins, que je vois de près pour la première fois. Je ne puis fermer les yeux : comme en un rêve je gravis par la pensée toutes ces cimes perdues dans le ciel. Tout est pétrifié dans l'immobilité absolue ; par instants règne un silence mortel, parfois aussi le vent souffle au loin et mugit sur les cols, ou bien il claque sourdement dans les anfractuosités. Cependant deux corneilles m'arrachent à ma somnolence par leurs cris affamés : elles décrivent d'abord quelques courbes hésitantes et finissent par se poser à quelques mètres de nous sur le bord du glacier, convoitant les reliefs de notre festin.