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                         EN OISANS                      125

 sence au brave animal par de petits coups de piolet qu'il
lui appliquait délicatement dans le bas du dos. Georges et
 moi venions après, ainsi que nos deux porteurs, Joseph
 Turc et Claude Roderon, avec lesquels nous ferons tout à
 l'heure connaissance.
     En trois heures nous sommes à la Bérarde. La Bérarde,
le hameau misérable, auquel je rêvais depuis plusieurs
 années, le point central d'où rayonnent toutes les belles
escalades, la Bérarde se montra à nous à la nuit tombante.
 Quelques fumées montaient des maisonnettes, le torrent
roulait sa voix monotone, des clochettes tintaient sur les
pentes raboteuses, et il semblait qu'une grande tristesse
avait endormi le vallon, tristesse que d'autres ont appelée
navrante, mais à laquelle je trouvais un charme indicible.
    Le chalet-hôtel est admirablement installé; les chambres
sont propres, les lits très confortables, la cuisine excel-
lente. M. Tairraz nous reçoit très aimablement : une seule
chose paraît l'attrister, c'est le peu d'empressement des
touristes à venir en nombre s'installer chez lui.
    L'ancien hôtelier du Montenvers me fait un peu l'effet
de « la sœur Anne» sur sa tour : il ne voit pas « l'herbe
qui verdoie » : à la Bérarde, il y en a si peu; mais il
attend, il attend quelqu'un qui ne vient pas, il attend la
foule innombrable des « touristes à l'eau-de-rose », les
gravisseurs du Righi, du Gornergrat et du Brévent, les
jeunes couples en lune de miel, les familles en vacances.
Et « le soleil poudroie »... dans le fond, sur le glacier de
la Pilatte, et personne ne vient : je me trompe, parfois une
tête apparaît a l'horizon sur le sentier des Étages ou sur
celui des cols, une tête pelée et couperosée, enlaidie d'un
poil hirsute, c'est la tête de l'alpiniste sérieux.
    Il arrive à pas lents avec son petit bagage et son lourd