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SUR UN OSTENSOIR. 489 souvent fatiguées par la lassitude de l'imagination appauvries par la nécessité de les multiplier sans relâche, et surtout trop facilement uniformes. L'esprit finit, en effet, par avoir ses clichés, que la paresse trouve commodes, que la hâte est heureuse d'avoir sous la main. Cela est vrai, surtout des arts purement d'invention, et pour lesquels l'étude de la nature ne peut être, comme pour la peinture et la statuaire, une source d'éternel rajeunissement. Aujourd'hui donc , plus que jamais, l'habileté d'artistes spéciaux est d'autant plus nécessaire à l'architecte pour arriver à des résultats complètement satisfaisants, que la part d'indication laissée à ces artistes est moindre. Le difficile est peut-être moins en effet de trouver des exécutants d'ima- gination et de verve, que d'en rencontrer qui possèdent ce que j'appelais tout à l'heure la sympathie artistique, qui soient les interprètes vivants de votre pensée. L'architecture est le plus impersonnel des arts, le seul qui ait besoin, pour réaliser ses conceptions, du concours obligé d'un grand nombre, celui par conséquent où la réalisation dépend le moins de l'artiste lui-même , est le plus subordonné aux circonstances extérieures. Sans parler ici de la statuaire ou de la peinture d'histoire qui, tout en se mettant pour ainsi dire au diapason du monument, doivent garder leur ins- piration propre et primesautière , il faut que les arts secon- daires de la décoration offrent, dans leur cercle spécial, des artistes au niveau de l'architecte dans le sien. Sans cela aucune œuvre d'art complète n'est possible; la plus belle composition du monde sera défectueuse si elle esl mal inlerprétée ! c'est comme si vous faisiez peindre un croquis d'un grand peintre par un barbouilleur, orchestrer par un ignorant la mélodie d'un grand musicien. Il est donc des recherches d'effets que les architectes doivent franchement s'interdire, dès qu'ils ne possèdent pas des instruments sufïîsanls pour les exprimer. 11