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112                       HISTOIRE LITTÉRAIRE

persistèrent, et Polycrate, évêque d'Éphèse, fut chargé de
signifier à Victor leurs résolutions, formulées au sein du
concile assemblé dans la célèbre ville de Diane (1). Ce passage
de sa lettre (2), si énergiquement rendu par M. Amédée
Thierry (3), montre quelles proportions menaçantes acqué-
rait alors en Orient la discussion réveillée à Rome parle
prêtre Blaste. « C'est en Asie, s'écrie saint Polycrate, que se
 « sont endormies au Seigneur les grandes lumières de
 « l'Église, qui ressusciteront au jour glorieux de son avène-
 « ment. Tous ces hommes ont célébré la Pâque le 16e jour
« de la lune, et moi, Polycrate, le dernier de vous, j'observe
 « la tradition de mes pères. J'ai eu sept évêques dans ma
 « famille et je suis le huitième ; ils ont tous célébré le jeûne
 « et la Pâque dans le temps où les Juifs se purifiaient. Moi
« donc, qui ai vécu au Seigneur soixante-cinq ans, qui ai
« communiqué avec les frères du monde entier, qui ai lu
 « toute l'Écriture sainte, je ne suis point troublé de ce qu'on
« nous propose pour nous faire peur ; car ceux qui étaient
« plus grands que moi ont dit : // vaut mieux obéir à Dieu
« qu'aux hommes. »
   Dans ces fières paroles du délégué des plus illustres com-
munautés chrétiennes de l'Asie, règne un ton de fermeté
absolue qui semble exclure toute idée de transaction ; une
menace même s'en exhale, vague encore, il*est vrai, mais
parfaitement saisissable à travers l'incomparable dignité de
l'expression. Néanmoins, dans les conjectures difficiles où
se trouvait l'Eglise, il pouvait être d'une bonne politique de
ne pas froisser des susceptibilités dont la cause, en soi,
n'avait rien que de respectable. Seule, la suite des événe-

  (1) Euseb. Hisl. codes., v, 23-24.
  (2) Id. ibid., 24.
  (3) Hisl. de In Gaule, etc., ibid., p. 254.