page suivante »
50 TRAITRE OU HÉROS. et dont nos deux convives n'avaient pas, du moins, à remer- cier Cérès, déesse des blés, comme les bergers de Théocrite, tut le seul qu'ils eurent à rompre. En compensation, la chair dorôe et savoureuse qui fumait devant eus sur un lit de feuilles où venait de la déposer Ulloa, eût pu figurer avec honneur devant un comice gastronomique ; peut-être même n'eûl-elle pas été indigne de ces fameux congrès de phalans- térienne mémoire, dans lesquels Fourrier voyait l'avenir du monde et où il se plaisait à convier sur les bords de l'Eu- phrate toutes les mains et toutes les sensualités du globe, dignes de rivaliser en matière de cuisine. Ulloa était assis, à demi-couehè sur l'herbe ; Ephisio mangeait debout, complètement armé, comme autrefois les Israélites dans le désert mangeaient la Pâque, les reins ceints et le bâton de voyageur à la main. Dès ce moment, le pèlerin commença avec le bandit une vie à deux, dans laquelle l'un et l'autre conservaient une indépendance absolue, mais dont le premier sembla se ré- server toute la part laborieuse. Bien que, dans l'intérêt de son rôle, il consacrât chaque jour quelque partie de son temps à la recherche des plantes dans la montagne, il s'occupait avec affection du jardin dont il s'était chargé, et qui eut bientôt changé de face sous sa main intelligente. 11 ne négligeait rien pour intéresser Ephisio aux progrès de son Iravail, pour l'amener à en jouir et à faire auprès de lui des stations plus fréquentes. Mais Ephisio n'apparaissait qu'à des heures indéterminées, apportant du gibier que préparait Ulloa, ou des glands choisis dont ce dernier préparait le pain dont j'ai parlé plus haut. Hors des repas pour lesquels il ne s'asseyait jamais, le ban- dit aimait à suivre des yeux le travail de son compagnon, mais s'abstenait d'y prendre la moindre part active. Les con- versations se prolongeaient peu et s'éloignaient, comme d'un