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                      TRAITRE OU HÉROS.                      51

accord prémédité, de tout événement qui eût pu conduire
à ceux dans lesquels avait figuré Ephisio. \l semblait que
depuis la chanson par laquelle avait débuté Ulloa, il se fût
instinctivement formé entre les deux hommes un pacte tacite
pour n'aborder aucun souvenir de cette nature. Cependant,
le bandit se plaisait à entendre Ulloa jouer de la lyre ; sou-
vent un son mélancolique et doux suffisait à pénétrer ce
cceuY de bronze; une larme arrêtée dans ses yeux coulait
tout à coup, et l'on eût dit qu'en tombant elle cessait de
brûler son front. ïl trouvait un charme qui ne se lassait pas
à répéter avec Ulloa quelques-uns des vieux cantiques qui
avaient bercéson enfance; parfois môme ii s'oubliait des heures
entières à écouler les couplets sans fin de quelque légende po-
pulaire que le rapsode avait soin de choisir dans un ordre de
faits qui ne pût effaroucher la susceptibilité de son audi-
teur.
   Ephisio faisait quelquefois des absences qui duraient deux
ou trois jours.
   Il les employait probablement à aller se montrer loin de
là, sur des points opposés et dans d'autres montagnes, où ses
apparitions avaient pour but de dérouter les recherches de
l'autorité, et peut-être aussi à des expéditions dont il gardait
le secret.
   Deux mois bientôt s'étaient écoulés ainsi, les deux mois
formant le congé accordé au chevau-léger, et pendant cet
espace de temps, Salvador n'avait pu voir se présenter un
seul instant qui vînt favoriser son plan de campagne et rendre
possible la réalisation du projet qu'il avait formé ; le bandit
ne s'était pas montré une seule fois sans armes, n'avait pas eu
un moment d'imprévoyant abandon.
   Obligé de justifier la prolongation de son séjour dans la
montagne, le faux pèlerin s'étudiait constamment à en faire
naître des motifs qui ne pussent être suspectés ; et c'est