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TRAITRE OU HÉROS? 49 que dans les villes el dans les villages du cap inférieur. Ce pain-là n'est que le régal fort rare des montagnards et n'en- tre qu'exceptionnellement dans leur alimentation. Une partie môme des pâtres et de la population qui habite certaines montagnes septentrionales et centrales de l'île, use d'un pain qui, malheureusement, ainsi qu'on va le voir, n'a rien de commun avec celui que j'ai décrit et justement vanté. Ce pain consiste en une pâte faite de glands bien cuits et réduits en bouillie. On j mêle de l'eau saturée d'une argile onctueuse, provenant de la décomposition des schistes lal- queux, que l'on rencontre principalement dans l'Ogliaslra (1), et l'on en forme des gâteaux plats et minces, que l'on sau- poudre avec un peu de cendre tamisée, pour les rendre moins agglutinatifs. D'ordinaire on relève leur insapidilé en les arrosant de lard fondu. Le P. Madao (2), h qui l'on doit Le armonie dei Sardi, lient cet aliment en grande estime el vénère, dans cette pâte élémentaire, son caractère de simplicité primitive; —ce qui permet de croire que c'est là , de sa part, une vénération toute platonique et qu'il n'en a jamais goûté. Le général de La Marmora qui l'a expérimenté, se refuse absolument à partager ce poétique enthousiasme. Quoi qu'il en soit de sa vertu réelle, ce pain de haute futaie, si je puis parler ainsi, (1) On sait que certains peuples d'Asie et d'Amérique se servent éga- lement d'une pierre talqueuse pour aliment. (2) Le P. Madao a écrit sur la langue sarde des ouvrages pleins d'inté- ressantes recherches. Il a composé, entre autres, plusieurs pièces de poésie dans lesquelles il n'a fait entrer que des mots communs aux langues sarde et latine, de telle sorte qu'elles forment à la fois des poésies latines et des poésies sardes. On peut en juger par ces deux premiers * vers du morceau intitulé : La divina Providenza e la miseria umana, qui sont en même temps latins et sardes : Deus qui cum potentia irresistibile, Nos créas et conservas cum amore. etc. L