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\ 48 TRAITRE OU HÉROS. Homère dans ce passage de l'Illiade que l'on me permettra de citer ici, toute prétention académique a part : « Achille préside au festin hospitalier; il perce les mem- « bres de l'animal et les divise avec art, tandis que Patrocle « se fatigue à souffler le feu, dont la flamme éclaire tout « l'intérieur de la tente. » [Iliade, 1. IX). Ainsi les pâtres sardes, en fait de rôti, ne sont rien moins que les continuateurs des demi-dieux d'Homère. Le furia furia ne saurait avoir une plus noble origine, et il est bien permis d'y voir, avec les Sardes, une preuve de sa supériorité sur les tourne-broches sans âme de la civilisation moderne, tout brevetés qu'ils puissent être. Quand le daim fut retiré du feu, Ephisio en examina l'omoplate avec toute l'attention d'un ancien augure penché sur les entrailles des victimes. C'est une croyance générale chez les montagnards sardes, que l'omoplate d'un agneau, d'un faon et de tout animal mâle qui n'a point encore servi à la reproduction, contient des révélations certaines sur l'avenir de celui qui l'interroge et qui sait en lire lessignes(l). La découverte de ceux qui apparurent aux yeux d'Ephisio parurent l'inquiéter plus qu'ils ne le satisfirent. Mais le nuage qui passa sur son front fut le Irait d'un éclair, et, bien qu'il n'eût point échappé h Ulloa, le prudent observateur se garda de laisser voir qu'il l'eût en rien remarqué. Il tenait trop à ne pas éveiller les soupçons de son hôte, pour laisser transpercer la moindre préoccupation de pénétrer dans la vie cachée du taciturne chasseur, J'ai parlé au commencement de ce récit de la blancheur et de la qualité exquise du pain en Sardaigne. Mais ce que j'ai dit à ce sujet s'applique particulièrement au pain fabri- (1) Le comte Pecchio a retrouvé la même superstition dans les montagnes de la Grèce, si bien qu'on y appelle l'omoplate d'un agneau la Gazette des Puttikares. Voyez C. Pecchio: Une visite aux Grecs.