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244 LES PEINTURES DECORATIVES
Cette première composition a l'aspect mystérieux qui lui
convient. Au bout d'un lac qui reflète un ciel d'or fluide,
dont on ne voit qu'une bande, car il est masqué par une
montagne d'un bleu sombre aux flancs couverts d'un bois
dont on pressent l'épaisseur, sont assemblés les Arts et les
Muses. Les Muses initiatrices devisent de choses sublimes,
avec la simplicité, le calme, et la hauteur sereine qui siéent
aux immortels; deux figures ailées, d'un mouvement char-
mant, traversent l'espace et l'animent. Arts et Muses sont
groupés autour d'un petit temple d'ordre ionique, sur un
rivage de ton extrêmement doux, crépusculaire, parsemé
d'arbustes, de fleurs à la fois réelles et rêvées, comme les
êtres humains entre ciel et terre qui peuplent le séjour
sacré. Aux deux extrémités de la composition, formant
retour sur la muraille et comme les volets d'un tryptique,
d'un côté la Muse tragique vêtue de deuil est assise au
pied d'un saule; c'est Desdèmone sans doute; de l'autre
côté, et pour former opposition à l'éternelle plainte hu-
maine, un bel énhèbe, d'une élégance fine et svelte, quel-
que peu androgyne, prépare, dans toute la joie de sa jeu-
nesse, les couronnes de laurier pour les futurs vainqueurs
de la vie. Il est malaisé de rendre en quelques mots
l'impression poétique de cet harmonieux ensemble, l'effet
émouvant de ce paysage élyséen, peuplé des créatures de
l'esprit qui indiquent aux hommes qu'elles seules goûtent
la vie glorieuse et tranquille. C'est bien là , dans ce paysage
de visionnaire bien éveillé, tout vibrant d'or et de sombre
azur, que doit s'accomplir la génération à jamais incom-
prise de l'art, qui va s'épanouir ensuite en notes plus
claires et plus visibles, dans ses filiations païennes et chré-
tiennes.
La Vision antique se présente avec une puissance simple.