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62                  LE PREMIER AMOUR

   Mon émotion lui fit tout comprendre et nous nous ser-
râmes silencieusement la main.
   — Avez-vous revu le Grand-Pâtre? lui dis-je.
   — Mort.
   — Et la gentille Airelle ?
   — Morte aussi. Les Sœurs de Valgorge la recueillirent
à la mort du sorcier, mais vous savez que cette plante ne
vit pas dans les bas fonds.
   Le jour commençait à se lever. Le chasseur m'accompa-
gna jusqu'à un mamelon d'où l'on apercevait au loin toute
la plaine de Jalès. En cet endroit, il s'arrêta et dit :

  — Si le bonheur est le repos du corps et la paix de l'es-
prit, je ne sais qu'un endroit où on peut le trouver en ce
monde.
   Et il me montrait au loin avec son fusil un carré vert
émergeant des roches grises de Païolive. Je réconnus le
cimetière du village à sa bordure de cyprès.
  — C'est là, dis-je, que je vais prier sur le tombeau de
Jeanne la Morte — bien morte cette fois.
  J'ai su depuis que ce brave homme avait été tué quelque
temps après dans une battue organisée par les gardes natio-
naux de tous les villages voisins.


                             *
                            * *


   Nous rentrâmes au village de grand matin. Mon hôte
m'attendait avec impatience. 11 me mena au cimetière où
je m'agenouillai tristement à la place où Jeanne reposait
sous l'herbe à côté de sa mère. J'y plantai un arbuste et je
l'entourai de la plupart des plantes qui figuraient dans le