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286            LETTRES DU R. P. LACORDAIRE

au contraire. Seulement, sans qu'il eût, à proprement par-
ler, l'esprit métaphysique, il cherchait d'instinct les hau-
teurs et les horizons. Désireux d'étudier les questions sous
toutes leurs faces, de les relier par des aperçus généraux, il
lui en coûtait de trop séparer la théologie de la philosophie.
A peine il a quitté Saint-Sulpice que, grâce aux loisirs
d'une humble aumônerie, le voilà revenu à ses études
préférées. Par un discernement peu ordinaire pour cette
époque où le souci littéraire l'emportait dans la plupart
des imaginations, il reconnaît que « tout aujourd'hui est
dans l'histoire ». et il continue : « Je n'écris rien, c'est
mon tour du monde que je fais une première fois, mes
mains dans mes poches, et pour voir un peu, en fumant,
ce que c'est que ce ciel, que cet océan, comment est
l'orage, ce que disent ces vieux rivages après avoir tant vu
de choses. » Cinquante ans plus tard, les conditions pour
exécuter ce grand voyage, eussent été singulièrement
meilleures.
   De quelle manière répondrait-il à sa vocation ? Lui qui
avait passé par les écoles du siècle et le séminaire, consta-
tait que le clergé n'avait pas une intelligence suffisante
des besoins nouveaux : « Que font les prêtres dans la
pratique ordinaire de leurs fonctions ? Ils maintiennent la
connaissance et la pratique des vérités chrétiennes dans les
femmes, quelques hommes, quelques jeunes gens; la masse
de l'impiété échappe à leur action. » Et ailleurs : « Il fau-
drait insinuer au clergé bien des vérités de ce temps, qu'il
a besoin de connaître. » On dirait qu'il entrevoit en philo-
sophie et en théologie « une révolution dont ces deux
sciences ont besoin pour ne pas perdre d'autres races ».
Ses idées, du reste, ondoyaient sous des souffles très divers.
« Quelque chose d'énergique et de soudain » faisait succé-