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DE PUVIS DE CHAVANNES 257 de Chavannes est de ceux qui ont été touchés par l'invisible mens et c'est pourquoi on peut compter qu'il vivra, tandis que Bouguereau et tant d'autres, qui n'ont rien à dire, tout en tenant des discours retentissants, iront rejoindre dans l'oubli définitif les artistes qui ont été chéris de Louis-Philippe. Peut-être faut-il, en terminant, s'excuser de quelque fanatisme ; les artistes de ce temps se soucient si peu de nous toucher et de nous élever, que lorsqu'on en rencontre un qui n'a jamais voulu demander son succès qu'à cette tâche vaillante, l'enthousiasme peut légèrement déborder. Dans toutes les directions, nous avons un impérieux besoin d'être soutenus par les hauts sentiments. Le monde reten- tit de mauvaises paroles ; on dit à la face des civilisés que la force prime le droit, et les races sans idées et sans huma- nité, celles qui nous feront périr, proclament sans cesse que le bonheur et le but sont l'argent. La société démocra- tique, qui est un fait inéluctable, prête l'oreille à tout cela et est bien disposée à en faire sa loi. Sans être de ceux qui la maudissent, tout en pensant qu'on doit l'accepter et la servir, il est impossible de ne pas craindre qu'elle s'allie aux ennemis de l'esprit humain. La tendance à rabaisser l'esprit, c'est le virus qu'il faut éliminer, sous peine de mort, de la société nouvelle. L'art, pour cela, a son rôle et sa moralité. La poésie, le temple antique, la peinture chré- tienne, ont eu plus d'action secrète sur les âmes que les textes de lois, les grands principes ou même les maximes de morale. Les véritables hommes d'Etat, les vrais sauveurs du peuple, seraient ceux qui, tout en n'entravant point sa marche, donneraient à la démocratie le sens de la beauté, de la vénération de l'esprit, du respect de tous les senti- ments et de toutes les traditions. Si les arts peuvent jamais contribuer à former l'intelligence de cette jeune, et à la l N° 4. — Octobre 1886. jy