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232 UNE VILLE DU MOYEN AGE perchée comme un nid d'aigle au faîte de cette éminence stérile, séparée par un désert brûlé de tout ce qui fait la vie contemporaine; silencieuse et grave, ainsi qu'il convient à une ville douze fois centenaire. Cinq fois déjà j'ai gravi le sentier pierreux, tracé en lacets qui, des dernières maisons de la ville basse, conduit à la Porte Narbonnaise, la principale entrée de la Cité; vaste et menaçant amas d'édifices pourvu de tous les appareils de défense qu'exigeaient les guerres d'alors, et la cinquième fois, l'admiration et le respect qu'impose ce colosse ont été plus vifs encore que la première. Une véritable orgie de couleur locale. Je ne me suis pas vu, sans un peu de honte, en complet de voyage, chapeau mou sur la tête, franchissant ses ponts-levis et m'enfonçant sous ses voûtes ténébreuses. Je me trouvais monstrueusement ridicule en cet accoutrement, au milieu des formidables vestiges d'un temps, dont certainement, je ne souhaite pas voir refleurir les férocités, mais dont la poétique grandeur m'émeut tou- jours et me rapetisse. Les fortifications de la cité de Carcassonne défient toute description. Admirablement et religieusement restaurées par Viollet-le-Duc, elles sont, je crois, le seul spécimen qui reste intact des appareils défensifs employés par l'époque qui précède immédiatement le moyen âge. L'aspect en est, à la fois, redoutable et élégant. Si l'on en fait le tour à l'extérieur (2 kilomètres environ), on est moins frappé peut-être de leur puissance que de leur extrême variété, qui semble faite pour le plaisir des yeux. Je n'essaierai point d'en faire le tableau; il faudrait, pour s'en tirer décem- ment, une autre plume que la mienne; et puis, ce sont choses que l'on ne doit pas voir par les yeux des autres. Si l'on en parcourt les aménagements intérieurs, Téton-