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DE PUVIS DE CHAVANNES 243 sensation de rêve, qui est une de celles que l'œuvre apporte. Ce sont nos songes les plus doux et les plus nobles, qui sont là flottants sur l'édifice, et qui s'y fixent sans avoir l'air de le heurter. Muses que nous avons invo- quées au moins une fois, antiquité sublime qui soutient notre esprit et lui conserve les vestiges de sa grandeur, christianisme tendre qui a sauvé le monde en parlant si doucement et si tristement au cœur, souvenirs du pays natal qui nous rappellent la religion moderne de la patrie, tout se confond dans une synthèse peinte de la vie spiri- tuelle. Quelque vaste que soit cette synthèse, les développements en sont très clairs et très simples. Les Muses représentent le mystérieux et inconnaissable esprit inspirant l'art, qui prend ses deux grandes expressions : la forme et le senti- ment. L'idée de forme qui engendre la beauté suprême est associée à l'art antique; l'idée de sentiment à l'art chrétien. L'art antique, c'est la tête; l'art chrétien, c'est le cœur. Et pour relier la patrie lyonnaise à ces lois d'en haut, comme pour reprendre par elle le grand chœur de l'ensemble, l'artiste symbolise l'union du Rhône et de la Saône ; le Rhône étant la force, qui est encore antique, et la Saône étant la grâce, la grâce féminine dont l'exalta- tion est moderne et chrétienne. C'est pourquoi les trois grandes compositions s'appel- lent : le Bois sacré cher aux arts et aux Muses ; Vision antique ; Inspiration chrétienne. Le Bois sacré, placé sur le mur du fond, semble projeter de ses profondeurs l'art antique et l'art chrétien, qui dérou- lent leur histoire sur les murs latéraux; et la figuration du Rhône et de la Saône, brisée par la porte de la galerie des peintres lyonnais, fait face au Bois sacré.