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202                 PIERRE ET JEANNETTE

« de l'air pur de nos montagnes, de notre douce verdure,
« de tes parents bien-aimés; et tout cela diminuera le cha-
« grin que te causera mon absence.
   « Je n'ai pas le même avantage : je suis isolé dans ce
« monde d'indifférents qui m'entoure, je respire l'air peu
« agréable des casernes, et je fais des exercices qui ne me
« plaisent guère. Mais je supporte tout cela patiemment
« en songeant au bonheur qui m'attendra après mon pé-
« nible exil.
   « Je soignerai ma santé pour l'amour de toi, comme je
« te prie de soigner la tienne pour l'amour de moi; nous
« nous devons l'un à l'autre, c'est une convention sacrée.
   « Si tu as des peines, confie-les à tes parents d'abord, et
« aussi à Monsieur et à Madame, qui sont plus éclairés que
« nous et qui te donneront les meilleurs conseils.
   « Écris-moi aussi souvent que tu pourras, et crois que
« tous mes instants de loisir seront consacrés à cette corres-
« pondance, où il me semble que je cause avec toi, que je
« tiens ta main dans la mienne, et que j'embrasse ton vi-
ce sage si pur et si bon. »
   Jeannette, qui était dans une agitation inquiétante depuis
le départ de Pierre, parut beaucoup plus calme après cette
lettre. Elle versa de douces larmes, elle causa longtemps
avec moi de son cher absent, elle parut tranquille et ré-
signée.
   Elle m'apporta le lendemain sa lettre à Pierre ; aucun
reste de sa cruelle maladie ne s'y manifestait; c'était sensé,
tendre, un peu exalté peut-être, mais de la plus limpide
pureté et de la plus naïve candeur.
   La correspondance desdeux jeunes gens, passant toujours
par mon intermédiaire et accompagnée constamment de
quelques mots de moi, ou pour moi, continua sans inter-
ruption de quinzaine en quinzaine.