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                     UNE RECTIFICATION                     I45

   Le domaine fut vendu à la mort de mon grand-père en
1835 ; acheté par feu M. Jourdan, professeur à la Faculté.
Celui-ci n'en conserva que la partie entourant les bâtiments.
Morcellée par le nouvel acquéreur, puis coupée, ravagée,
dépoétisée par les routes tracées plus tard, la propriété n'a
plus rien gardé de ce qui en fit la beauté et la splendeur,
ainsi que l'observe très-justement M. Saint-Olive.
   Quatre ans après cette vente qui me rendait étranger sur
ce sol témoin de mes premiers ébats, M. Saint-Jean, l'il-
lustre artiste, donna rendez-vous à ses élèves auprès de la
fontaine de Jean-Jacques, à l'occasion de la naissance de
son fils. Je ne voulus point faire défaut à l'appel de ce pro-
fesseur aimé, car je faisais partie de ses élèves. La fête fut
gaie, moi seul fus triste. Mes souvenirs affluaient, mes yeux
ne rencontraient que dévastation. Depuis, bien d'autres
améliorations s'y sont accomplies. Je les ignore. J'ai voulu
garder intactes mes impressions du passé. Le présent avec
son vandalisme correct me les flétrirait. Voilà en quoi et
pourquoi je diffère avec M. Saint-Olive qui regrette beau-
coup de ne pouvoir aller visiter Roche-Cardon dans son
 état actuel.
   Ces dernières lignes s'écartent sans doute de mon sujet.
J'ai demandé à faire une rectification et j'en viens à vous
parler de mes tristesses. La pente était entraînante. Ceux-
là me comprendront qui ont vu, comme moi, livrés à la
cognée et à la pioche des nouveaux venus les coteaux om-
breux et la fraîche vallée, en un mot le champ paternel où
s'écoulèrent les premières années de leur existence. Ils sont
nombreux ceux-là dans le siècle où nous vivons.
 Veuillez agréer, Monsieur le Directeur, l'assurance de
ma parfaite considération.

                                              N. L. M.
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