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106 UN INCUNABLE vicissitudes des temps « de moult beaulx livres », possède aussi de belles collections d'incunables dans la bibliothèque du Lycée comme dans celle de la Cour d'appel; mais, n'est-il pas triste de dire quelle incurie a montré pour la première de ces collections l'un des derniers conservateurs de la bibliothèque de la ville. Ecoutons l'aveu qu'il a dû m'en faire lui-même dans une lettre du mois de janvier 1874, alors que comme président du Comité des bibliothè- ques et des archives de Lyon, je fus chargé de lui deman- der un rapport sur son dépôt. « La petite pièce à côté de la galerie Villeroy, dit-il, est le cabinet des éditions lyonnaises du xve siècle. Il subit, il y a quelques années, par Ia/autede la négligence des bu- reaux, bien avertis cependant, un désastre répété trois fois et considérable. Une gouttière masquée par la porte d'une armoire s'était formée à l'angle du rayon supérieur, à gau- che. Vint une averse énorme. Les volumes du xve siècle furent aussitôt submergés, et quatre-vingts volumes de cette vénérable catégorie coururent les plus grands dangers. Les maçons se pressèrent peu ; ils ne parurent que le lende- main ; leur travail fut peu efficace. « Trois fois l'accident se renouvela dans le courant d'une même année. Bien qu'ils eussent pris un bain complet de plu- leur impression en gothique, de leur forme souvent étrange et primitive, et on ne les regardait que comme d'indignes bouquins. Mais comme le raconte si bien M. Desbarreaux-Bernard, les incunables ont été recher- chés partout à dater d'un certain moment. Les libraires se sont mis de la partie ; eux ou leurs ayants droit, imitant en cela seulement les an- ciens stationnait es, ont parcouru l'Europe en tous sens, non pour ven- dre des livres, mais pour en acheter. Ils ont même si bien fureté par- tout, dans les grandes comme dans les petites villes, dans les châteaux, dans les couvents, dans les presbytères, etc., qu'ils ont fait table rase, et qu'il ne reste plus rien à glaner partout où ils ont passé. »