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              LA KÉ.CLAME, LE PUFF ET L'ANNONCE.            159

de ces louanges exagérées que se décernent sans pudeur
ou se font décerner par leurs collègues, les chefs nombreux
de l'école littéraire actuelle ; je rirai sans cesse de ces cou-
 ronnes qu'ils se jettent à tour de rôle comme des bonnets de
coton, et qu'oa y voit sur le front de chacun d'eux. Eh !
Messieurs, vous n'êtes point les héros de cette école qui
non-seulement a reculé les limites de l'art, ce qui était très-
bien , mais encore qui les a renversées , ce qui est moins
convenable? N'est-ce point vous qui avez démoli les répu-
tations du grand siècle, en les battant en brèche avec des
préfaces et des feuilletons ? N'est-ce pas vous qui avez en-
seveli Racine et Boileau sous les tas énormes de vos dra-
mes sans règles et de vos romans sans frein ? Après avoir,
à ce que vous prétendez, accompli ces travaux herculéens,
ayez plus de confiance dans votre force et plus de foi à vo-
tre durée, et pour consolider l'une et l'autre, n'ayez point
recours à ces charlataneries effrontées qui font votre honte
et celle de notre époque.
   Oh! que j'aime mieux le grand Corneille qui, en dépit des
brigues haineuses et jalouses de Richelieu et de l'Acadé-
mie, disait dans un vers frappé au coin d'une naïve et su-
blime bonhomie :

          Je ne dois qu'à moi seul toute ma renommée !

  Sans doute il n'avait pas comme vous tant de puffs et de
réclames surla, conscience, mais il avait le sentiment de son
génie et la conviction de sa supériorité ! Pourquoi faut-il,
hé'as ! que vous n'ayez guère que ce dernier point de res-
semblance avec lui i
  Que j'aime mieux ce tendre et doucereux Racine, comme
vous dites, dont l'âme brisée par les injustices de la cour
et les succès de son indigne rival Pradon , quitta l'arène
théâtrale , plutôt que de chercher à s'y maintenir par des
moyens dont la pudeur de son talent aurait été blessée !
   "Vous, Messieurs , vous avez aujourd'hui la foule pour
vous admirer, des compères vigoureux claquent vos piè-