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230 LA DAME D'ORFÉ. la foule envahit l'avenue, et c'est moi, votre femme , qui suis obligée de vous conduire à votre poste comme un enfant que mène sa nourrice. — Vous êtes ma femme , c'est très-bien : je vous ai permis de gronder chez vous, c'est bien encore ; vous causez du matin au soir, je n'y trouve pas à redire ; mais que vous veniez me troubler dans mes fonctions au moment où je me dispose à pré- senter le vin de l'arrivée, je ne le souffrirai pas. — Jésus ! vous l'entendez ! c'est à sa femme qu'il parle ainsi ; ne suis-je pas malheureuse ! moi qui ai fait brûler un si beau cierge, pendant sa maladie, devant la châsse de saint Germain , dans l'église du Prieuré. Ah ! si Monseigneur le savait ! — Serez-vous assez folle , Gertrudc , pour entretenir nos maîtres de nos querelles de ménage ? Allons, donnez-moi le bras ; notre fille va présenter ses sept enfants à la jeune châtelaine , les sept enfants qu'elle a eus en une seule fois. Notre gendre va être bien fier, messire Isambert sera bien étonné, et nous, Ger- trude, nous serons bien contents. —Ah ! dame, c'est qu'on ne fait pas tous les jours sept enfants. — Et en une seule fois, encore. — Et sept garçons. — Et vigoureux. — Sais-tu qu'on en a parlé à la cour de Forez ? — Oui, et le comte a dit aux dames qui l'entouraient : Prenez exemple. — Sept enfants à la fois ! cela ne s'était pas vu depuis les patriarches ! — Cela ne s'était jamais vu. — Le prieur de Saint-Romain dit que c'est une grande béné- diction du ciel. — Il ne sera pas obligé de les nourrir. — Pourvu que Monseigneur nous aide. — Sois tranquille : il est si bon. — Et sa jeune dame? elle nous aidera aussi, sans doute, si elle est est bonne comme lui. — Crois-tu qu'il l'aurait mal choisie ?