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424 M. DE MIRECOURT. « n'exécute sa menace en vous tuant et en plaçant à côte' de « vous un esclave également percé de son glaive? Vous « vous êtes trompée sur la véritable honte. C'était aux dieux « a châtier le criminel et a prouver votre innocence. Entre « deux flétrissures vous avez choisi la plus sérieuse. La « vertu meurt, Madame, et ne se rend pas! » {Ponsard, 67). Ainsi, ce que critique M. de Mirecourt ce sont les circons tances historiques de la mort de Lucrèce, c'est le fait sur lequel repose tout le drame et sans lequel il n'y a pas de dé- nouaient possible. C'est comme si l'on reprochait à Voltaire d'avoir fait tuer César dans la Mort de César. La tragédie de Lucrèce n'a de vrai dénoûment que la chute des Tarquins ; or, cette chute n'a plus de raison d'être si Lucrèce emporte au tombeau le secret de sa mort et de son déshonneur. Il faut qu'elle parle et M. de Mirecourt veut lui clore la bouche, rendant ainsi la pièce de M. Ponsard inutile et sans but. Il faut remarquer que M. de Mirecourt est persuadé que les détails de la mort de Lucrèce sont de l'invention du poète; c'est à lui qu'il adresse le reproche de n'avoir pas mieux enseigné à son héroïne à se défendre. Je me gaudis surtout à relire le pardieu! belle dame ! qui commence si gaillardement cette judicieuse critique. Ce par- dieu ! belle dame! est un précieux trait de caractère; l'écri- vain s'y résume tout entier et y donne l'exacte mesure de la vulgarité prétentieuse de sa manière. Le pardieu! est leste, pimpant et supérieurement bien trouvé pour début, tel qu'il convient aux gens du beau monde ! Ce pardieu est lancé avec une grâce infinie ; cela rappelle les bonnes traditions des Fleury et des Mole, cela sent son marquis de Molière. Mais quoi ! d'où sort ce « belle dame ! » de quel comptoir d'épicier, de quelle boutique de confiseur s'est échappé ce « belle dame » trivial, mélasseux et endimanché ; tout au plus tolère -t-on ce « belle dame » dans la bouche de