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24               HE LA POÉSIE ET DU STYLE
             e
tout le XVIII siècle se résume en celui-ci : La clarté. Maïs
d'abord était-ce une qualité bien nouvelle dans notre langue?
Les plus hardis de nos grands classiques , Corneille et Bos-
suet, sont-ils donc si obscurs ? La langue du XVIII" siècle
est très-claire, il est vrai ; mais à la condition d'être com-
plètement dépourvue de couleur ; elle a la clarté de l'eau.
Elle a gardé un certain mouvement, mais elle n'a plus ni
l'éclat de l'image , ni la solidité du contour.
    Ce défaut de richesse, de variété, d'énergie dans le style,
témoigne de l'état moral aussi bien que le fond des idées
recouvert par cette transparence banale du langage. Avant
de connaître, par l'histoire , les mœurs et les opinions du
temps de Louis XV, à eux seuls l'état de la langue et les
 allures du style , nous indiqueraient l'amollissement des
 cœurs , l'abaissement des caractères et l'effacement des
 individualités.
    Le style du XVIIIe siècle est naturel; mais autre chose
 est le naturel de la conversation et de la vie commune , et
 le naturel de l'œuvre écrite , de tout ce qui aspire à durer
 comme Å“uvre d'art. L'art ne doit pas se sentir dans le
style , mais il est nécessaire ; une facilité trop dégagée et
 trop complète, exclut cette fermeté, cette solidité de contour
 nécessaires pour faire subsister une œuvre.
    Le scepticisme et la mollesse sont coulants et faciles ; les
mots leur viennent aisément et sont aisément compris ;
 mais ces vices ne sauraient donner au langage la vigueur,
le caractère qu'ils détruisent dans les âmes. Un siècle de
 scepticisme et de corruption est nécessairement aussi pauvre
 en matière de style qu'en matière de poésie.
    Le XVIIIe siècle en est-il moins une grande époque intel-
 lectuelle ? Nous rendons hommage à ce qui fait sa véritable
 valeur ; mais nous ne sommes pas obligés de lui attribuer
 l'universalité à laquelle il a pu prétendre , a l'imitation de