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AU XVIIIe SIÈCLE. 19 œuvres de l'esprit en séparant la critique du style de celle de la pensée. Mais apprécier le style, c'est encore une ma- nière de connaître le fond de l'âme de l'écrivain. Le style est une condition commune à tous les arts, pein- ture, statuaire, architecture, musique ; mais c'est dans les arts du langage qu'il émane le plus directement du caractère de l'artiste. Qu'est-ce que le style ? C'est là sans doute une définition bien difficile, même après les nombreux traités de rhétori- que, de prosodie et de grammaire qui ont énuméré et décrit les divers genres de style et les qualités qui leur sont pro- pres. Le style est autre chose que la langue; la langue ap- partient a tous, le style est personnel ; la fameuse défini- tion de Buffon : « le style c'est l'homme même, » nous pré- sente le style comme le côté de l'œuvre qui exprime l'individualité de l'écrivain. Le fond des idées est souvent emprunté au patrimoine commun; il se modifie , il peut perdre avec le temps de sa valeur, il peut au contraire ac quérir une valeur nouvelle en arrivant a une époque qui le comprend mieux ou en prenant une forme plus belle sous d'autres mains. Le style est comme une empreinte, une effigie personnelle qui peut être frappée sur toute espèce de métal. Le style n'est pourtant pas indépendant de la pensée comme l'effigie est indépendante du métal ; la comparaison n'est pas exacte en ce sens que l'empreinte de la médaille est frappée sur l'extérieur du bronze et que le style se dresse des profondeurs de la pensée pour repousser le métal et modeler l'effigie par un soulèvement intérieur et non par une ciselure. Mais ce qu'il est essentiel de retenir de la défini- nition de Buffon, c'est cette vérité que le style est la mar- que de l'individu, et qu'il porte par conséquent tous les ca- ractères de la personnalité de l'écrivain. Ce n'est pas V pourtant la seule définition du style ; on a