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20 DE LA POÉSIE ET DU STYLE emploie souvent ce mot dans une acception très-légitime et qui cependant contredit en quelque manière la sentence de Buffon « le style c'est l'homme même. » Ainsi, lorsqu'on dit en parlant d'une œuvre d'art, statue, tableau, page d'é- loquence ou de poésie, cette œuvre a du style ou manque de style, on ne veut pas toujours désigner par là ce cachet personnel dont un écrivain marque la forme de sa pensée, quels que soient la nature et la valeur du fond ; on entend au contraire par style, dans les arts, certaines conditions uni- verselles de dessin tout a fait distinctes de la manière per- sonnelle de chaque artiste, et rentrant dans les données générales d'une beauté convenue, ou plutôt d'un idéal supé- rieur qui doit planer sur l'imagination du poète et le rappeler de sa libre fantaisie a l'observation des grandes lois. Ainsi, la peinture de Rembrandt est empreinte d'une personnalité extrêmement forte ; elle est certainement plus individuelle que la peinture de Raphaël ; on ne dira jamais, cependant, que Raphaël a moins de style que Rembrandt;.Raphaël est au contraire entre tous les peintres le plus grand, le plus admirable par le style. Le mot de style est donc employé à propos de la poésie et des arts dans deux acceptions qui semblent opposées ; l'une qui implique des qualités tout a fait individuelles, l'au- tre qui se rapporte à l'observation de certaines lois géné- rales, exclusives du sens personnel, de la fantaisie et même d'une complète liberté. Du reste ces deux éléments du style peuvent tour à tour prédominer et rompre l'équilibre ; les qualités qui sont recommandées aux artistes et aux écrivains sous le nom de style, et qui ont trait particulièrement a la régularité,aunairdenoblesse, dégénèrent vite, dans les écoles, en formes conventionnelles et bannales ; et quelquefois l'ori- ginalité, le style individuel des hommes de génie poussé à l'excès va jusqu'à la bizarrerie et la monstruosité. Dans le-