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134 MADEMOISELLE DE MAGLAND. couru les sites qui lui étaient familiers, il lui sembla à chaque sen- tier, à chaque détour de la route qu'elle allait voir paraître Raoul ; elle demandait au ciel de lui épargner cette cruelle épreuve, et pourtant, quand elle eut franchi les dernières limites des lieux où elle pouvait l'apercevoir, quand elle vit l'horizon s'agrandir, se dérouler, elle retomba à sa place, serrant son cœur de ses deux mains pour ne pas éclater en sanglots ; — et la route s'enfuyait à ses yeux comme s'échappe la vie, étalant des fleurs que nous n'at- teignons jamais ! XIII. LETTRE D'AUGUSTE DE BLOSSAC A CHARLES DE ROUVBAY. « Je serai auprès de toi presqu'aussitôt que ma lettre, rien ne me retient plus ici : MIle de Magland est partie, je suis encore tout froissé de la triste impression que son départ m'a causé, et pour- tant, tu peux me croire, mon affection pour elle ne ressemble en rien à l'amour. Tel est le sentiment de respect et d'admiration que m'inspire cette noble créature, que, malgré le charme de sa per- sonne, il ne m'est pas arrivé une seule fois d'emporter, en la quit- tant, une pensée que j'aurais craint de lui avouer; cette femme est si chaste et si pure qu'elle ignore la pudeur; l'abandon de ses manières ne permet jamais aucune liberté, et la réserve la plus étudiée l'eût entourée de moins de respect que ne le fait son lais- ser-aller si plein de grâce et de naïveté. J'éprouvais près d'elle cette jouissance profonde qu'on trouve dans une vraie sympathie, alors qu'un échange de pensées, souvent fait sans l'aide de la parole, par une espèce d'intuition magnétique, nous révèle une ame sœur de la nôtre ; il en est qui se touchent au premier regard ; pour celles- là , même en amitié, le temps n'est compté pour rien, elles ont le génie de l'affection. Marie est pour moi l'œuvre la plus parfaite de