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368 MONOGBAPHIE HISTORIQUE des déprédateurs, ces malheureuses populations étaient obligées de se tenir en surveillance et de faire le guet, autre charge imposée par les nécessités de ces temps anarchiques et qui figure dans le même code sous le titre de droit de garde. Que si, éloigné ou trop faible, un seigneur ne pouvait garantir ses sujets de ces terribles éventualités, ceux-ci étaient forcés d'avoir recours à un plus puissant et de payer sa protection. C'est ainsi que l'anarchie féodale avait substitué au principe d'ordre et de sécurité, principale garantie de toute société, un état d'hostilités permanentes, d'appréhensions et de troubles. A la suite de ces désordres marchaient les épidémies et les famines. Cette période s'ouvre précisément par une famine qui sévissait en 1031. L'historien de Tournus, le P. Juénin, en fait un épouvantable récit. Elle fut produite par des pluies continues pendant trois ans. On voyait les hommes errer dans les champs comme des spectres, pour y chercher quelques herbes arides ; quelques uns furent poussés à s'entre-dévorer comme des botes féroces. Une grande partie de la population mourut de faim (1). Ces maux, communs à toute l'Europe féodale, durent être d'autant plus grands dans le Bugey que les seigneurs indépen- dants y étaient plus nombreux que dans toute autre province. Durant tous ces siècles calamileux, il fut donc déchiré par ces guerres seigneuriales, plongé dans des troubles incessants jusqu'à ce qu'enfin, soumis à la maison de Savoie, il put goûter le repos sous l'autorité d'un seul maître. Cet agrandissement des comtes de Savoie fut conquis non par les armes mais par l'habile politique de ces princes ; il eut aussi pour base fondamentale la loi salique. Lorsque d'autres familles souveraines dans notre province, comme (r) Extrait de Radnlplie Glaber. Preuves de l'Histoire de Tournus, p. 12 r.