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 aux règles de l'école, on ne pourrait méconnaître en lui une créa-
 tion empruntée tout entière aux principes de l'art dramatique mo-
derne.
    Le rôle de Brute, ce rôle si achevé selon nous, obtiendrait-il faci-
lement grâce devant la Melpoméno classique? nous en doutons. Elle
accueille les poétiques égarements du délire, les fureurs d'Oreste et
jusqu'à la folie d'Hamlet corrigée par M. Ducis, mais ces humilia-
tions reçues d'un front courbé, ce cœur endurci aux injures, cet avi-
 lissement de bouffon patient et infatigable, les souffrirait-elle dans
son héros ? n'aurait-elle pas quelque indignation

          A voir un Junius dans cet abaissement ?

   Le jour où Brute s'est appelé Triboulot, a-t-on donc trouvé que
ce fût un personnage tragique et bien conforme aux règles ?
   Lucrèce elle-même, qui meurt sans lâche, victime de l'inexcusa-
ble sévérité des dieux, viole encore les règles les plus fondamentales.
Sans passion et sans faiblesse, elle déplace l'émotion, elle accuse la
providence ; et cela est si vrai que M. Arnault, en traitant le même
sujet, s'était imaginé, oh! misère! de feindre Lucrèce amoureuse de
Sextus. « Sans l'amour de Lucrèce pour Sextus, dit on, pour le défen-
dre dans l'Avertissement, ni lui, ni elle ne pouvaient être mis au théâ.
tre ; en atténuant le crime du fils de Tarquin, cet amour le rend ex-
cusable comme il rend Lucrèce intéressante, en lui prêtant une
faiblesse et conséqueniment des combats. Sans cet amour, ni Sextus
ni Lucrèce ne seraient des personnages dramatiques
J.-J. Rousseau en avait jugé comme M. Arnauld. » Au point de
vue classique, tout cela était parfaitement raisonné.
   Pour la tragédie, il reste donc si l'on veut le rôle unique de
Tullie : nous parlons du caractère et non pas du langage.
   Nous avons parlé d'une autre ambition de l'art moderne, celle de
peindre rigoureusement les mœurs, les usages, le temps enfin au
milieu desquels l'action est placée. Qu'on se rappelle les LIoraccs,
qui appartiennent à la même époque ; si l'on excepte ce sentiment
général de grandeur et d'héroïsme attribué au monde romain ou
plutôt au monde antique, et que d'ailleurs Corneille seul avait aussi
                                                           ;-;i