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naïf et biblique, et que tout ce qui est naïf et biblique est d'actualité pour le néo-chrétien. A l'aide de ces diverses recettes tout peintre est assuré de passer non seulement pour un homme de talent, mais encore pour un saint auprès des autorités de son endroit. Le conseil municipal le vénère, et la ville achète ses tableaux. C'est ici le lieu de parler de la plus vive, de la plus persis- tante, de la plus caractéristique passion du néo-chrétien ; c'est une chose qui fait le rêve de ses nuits et le songe de ses jours; qui flotte incessamment dans sa pensée ; qui, chaque fois qu'il l'aperçoit, fait vibrer ses nerfs et battre ses artères ; celte chose tient encore plus de place dans sa vie que Y art pour l'art, que le néo-christianisme lui-même ; il a pris la croix d'honneur au sérieux ! Et, dans l'idée de remplir à la lettre le vœu de la religion qui condamne tous les mortels a porter leur croix ici-bas, il intrigue de toutes ses forces pour obtenir la sienne. Les néo-chrétiens hommes de let- tres, plus modestes ou moins patients, achètent la croix de l'Eperon d'or, ou celle d'Isabelle-la-Calholique. La charité n'étant point comprise dans les vertus que cultive la secte, le néo-chrétien mord sur toutes les renommées, et nie tous les artistes vivants; il n'accorde un peu de talent qu'a ceux qui sont enterrés depuis au moins cent ans; il démolit la sculpture et la peinture moderne, s'imaginanl se faire un piédestal de leurs débris. C'est au Musée qu'il faut le voir! là , accompagné de quelques Béotiens qui l'admi- rent, après un discours sur les prolégomènes de Y art, il se livre à un cours d'esthétique à la portée des intelligences néo-chrétiennes ; point de sentiment religieux ! s'écrie-t-il devant chaque tableau à succès, représenta-l-il une marine ou une bataille, et il continue ainsi jusqu'à ce qu'il ait trouvé une oeuvre selon ses idées; alors il se p;1me, il se crispe; d'ordinaire sou enthousiasme est excité par la vue d'une de