page suivante »
309 sectateurs du grand Ganot, ou autres doctrinaires semblables ; Foin des utopies ! C'est tout simplement un moyen de par- venir à peu près certain dans ce temps de spéculations de toutes sortes; c'est une affaire de forme, un costume qu'on prend ou qu'on quitte à volonté, mais qui n'impose l'obli- gation d'aucun devoir, d'aucune vertu ; grave par grimace, dévot par calcul, hypocrite par instinct, le néo-chrétien est Tartufe enté sur Robert-Macaire. Nous allions commencer la monographie du néo-chrétien, lorsque, au moment de porter la main sur cette arche sainte, nous nous sommes aperçu qu'un traité complet et raisonné de tous les genres de l'espèce nous conduirait à un ouvrage aussi volumineux que l'histoire naturelle de M. de Buffon ; nous nous arrêterons donc de préférence aux néo-chrétiens originaux, complets, considérés comme archétypes de la race ; c'est-à -dire aux poètes et aux peintres; les variétés qui gra- vitent autour d'eux comme les satellites d'une brillante pla- nète, ne seront mentionnées que pour mémoire. Le néo-chrétien en général est un garçon qui passe sans intermédiaire de l'état d'enfant h l'état d'homme ; la pré- tention d'être un jeune homme étant abandonnée aujourd'hui aux hommes de cinquante ans; il se rencontre dans plusieurs classes de la société ; la masse improductive des avocats sans clients, des médecins sans malades, des artistes sans travaux, des écrivains sans éditeurs, abonde en néo-chrétiens ; mais c'est chez les peintres et chez les littérateurs que surgissent les ca- ractères les plus tranchés et les plus exceptionnels. Il n'est personne qui n'ait rencontré de ces individus destinés à faire de braves officiers, de parfaits négociants, de 1res suffisants magistrats, que par malheur l'artistomanie a pris à la gorge; c'est toujours à l'occasion du talent d'un autre, qu'ils ont la prétention d'en avoir ; l'un est beau-frère d'un poète, l'autre cousin d'un journaliste ; ils s'associent a leur gloire, et dé-