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sectateurs du grand Ganot, ou autres doctrinaires semblables ;
Foin des utopies ! C'est tout simplement un moyen de par-
venir à peu près certain dans ce temps de spéculations de
toutes sortes; c'est une affaire de forme, un costume qu'on
prend ou qu'on quitte à volonté, mais qui n'impose l'obli-
gation d'aucun devoir, d'aucune vertu ; grave par grimace,
dévot par calcul, hypocrite par instinct, le néo-chrétien est
Tartufe enté sur Robert-Macaire.
   Nous allions commencer la monographie du néo-chrétien,
lorsque, au moment de porter la main sur cette arche sainte,
nous nous sommes aperçu qu'un traité complet et raisonné
de tous les genres de l'espèce nous conduirait à un ouvrage
aussi volumineux que l'histoire naturelle de M. de Buffon ;
nous nous arrêterons donc de préférence aux néo-chrétiens
originaux, complets, considérés comme archétypes de la race ;
c'est-à-dire aux poètes et aux peintres; les variétés qui gra-
vitent autour d'eux comme les satellites d'une brillante pla-
nète, ne seront mentionnées que pour mémoire.
   Le néo-chrétien en général est un garçon qui passe sans
intermédiaire de l'état d'enfant h l'état d'homme ; la pré-
tention d'être un jeune homme étant abandonnée aujourd'hui
aux hommes de cinquante ans; il se rencontre dans plusieurs
classes de la société ; la masse improductive des avocats sans
clients, des médecins sans malades, des artistes sans travaux, des
écrivains sans éditeurs, abonde en néo-chrétiens ; mais c'est
chez les peintres et chez les littérateurs que surgissent les ca-
ractères les plus tranchés et les plus exceptionnels. Il n'est
personne qui n'ait rencontré de ces individus destinés à faire
de braves officiers, de parfaits négociants, de 1res suffisants
magistrats, que par malheur l'artistomanie a pris à la gorge;
c'est toujours à l'occasion du talent d'un autre, qu'ils ont la
prétention d'en avoir ; l'un est beau-frère d'un poète, l'autre
cousin d'un journaliste ; ils s'associent a leur gloire, et dé-