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379 âge ! — Bon ! à votre âge ! vous êtes jeune encore, et en pleine santé. — Alors, le voilà qui déploie toute son élo- quence à prouver que rien n'était plus convenable : que je serais aimé, que nous ferions un bon ménage 5 et, d'un ton de prophète, il m'anonça que nous aurions de beaux enfants. » Après cette saillie, il me laissa livré à mes réflexions ; et, tout en me disant à moi-même qu'ilétait fou, je commen- çai à n'être plus sage. Mes cinquante-quatre ans ne me semblèrent plus un obstacle si effrayant : la santé, à cet âge, pouvait tenir lieu de jeunesse. Je commençai à croire que je pouvais inspirer non pas de l'amour, mais une bonne et tendre amitié et je me rappelai ce que disaient les sages : que l'amitié fait plus de bons ménage que l'amour. « J e croyais avoir remarqué dans cette jeune et belle personne du plaisir à me voir, du plaisir à m'entendre ; ses beaux yeux, en me regardant, avaient un caractère d'intérêt et de bienveillance. J'allai jusqu'à penser q u e , dans les attentions dont m honorait sa mère, dans le plai- sir que témoignaient ses oncles à me voir assidu chez eux , il entrait peut-être quelque disposition favorable au vœu que je n'osais former. Je n'étais, pas riche : mais, cent trente mille francs, solidement placés, étaient le fruit de mes épargnes. Enfin, puisqu'un, ami sincère, l'abbé Maury> trouvait cet union non-seulement raisonnable, mais désira- ble des deux côtés, pourquoi moi-même aurais-je pensé qu'elle fût si mal assortie. «J'étais engagé ce jour là à dîner chez MM. Morellet. Je m'y rendis avec une émotion qui m'était inconnue. Je crois même me souvenir que je mis un peu de soin à ma toilette, etc.