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   en avant! l'ennemi plie sous vos efforts ; pas de drapeau si
  bien gardé que vous n'enleviez, pas de si forte redoute que
  vous ne l'emportiez d'assaut. Votre nom est à l'ordre du
  jour ; on le répèle avec honneur dans la patrie. C'était l'a-
  mour sans rouerie, sans sottise, sans infidélité; et mainte -
  naut c'est la gloire sans passe-droits, sans blessures et sans
  défaites. Vous avez écrit quelques pages sous- une inspira-
  tion fugitive, et elles attendront toujours peut-être des sœurs
 cadettes pour former le plus petit in-12. Eh bien! rêvez donc
 l'impression : on vous lit, on vous admire , les jeunes hom-
 mes sont émus, les jeunes filles versent des larmes, les
 hommes disent : c'est bien! vous avez toutes les joies d'au-
 teur, sans être mordu par l'envieux feuilleton. Oh! je le
 redis avec conviction, divaguez, divaguez, là est tout le bon-
 heur. Pour moi, j'aime mieux, le soir, sur un quai solitaire,
 ou à minuit, sur un pont, le front caressé par une fraîche
 brise, m'abandonner sans résistance aux flots vagabonds de
 ces idées , que d'ouïr les savantes dissertalious sur la coupe
 nouvelle de l'habit, ou sur un grand événement politique,
 ou d'ingurgiter des liqueurs et de salir des cartes au milieu:
 d'un atmosphère de tabac.
    Or, le flâneur, dont je vous parlais tout-à-1'heure, et que
j'allais oublier, comprend et goûte toutes les délices de la
 divagation. Il bâtit un roman sur chaque femme de vingt
ans dont il effleure la robe et dont il aperçoit le sourire der-
rière de vertes jalousies; toute figure étrange excite son ima-
gination, et le voilà joyeusement perdu en des suppositions
ridicules. Pourquoi rire de lui? il est heureux , et son bon-
heur n'est acheté des larmes de personne. D'ailleurs ne l'ou-
bliez pas , il a bien aussi son mérite : n'est-il pas la provi-
dence des bateleurs , qui mourraient de faim sans sa paresse
charitable! Combien n'arrêle-t il pas de disputes qui dégé-
néreraient en combats ! N'est-ce pas lui qui relève et console
le petit garçon, dont la bonne oublieuse est occupée à ré-
pondre aux agaceries du gentil caporal ou aux politesses du