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57 amours-propres et de quelques intérêts de localité. C'était donc une grande lâche , et nous sommes heureux , nous qui l'avons rêvée , de la voirréalisée par une main plus habile et une intelligence plus éclairée. Comme on le verra , l'auteur de ces Lettres a profondement étudié notre ville. îl la sait dans tous ses replis les plus cachés, et il la fait poser sous nos yeux telle qu'elle est. Vous lirez plus bas les deux premières lettres qu'il a jettées comme une préface à sa judicieuse critique du Salon. Notre époque s'y trouve bien jugée. C'est encore aujourd'hui comme du temps du satyrique Boileau : Quiconque est riche est tout Nous n'avons plus à présent d'autre aristocratie que celle de la fortune. L'industrie a tué la noblesse. Avec notre auteur, nous conviendrons que les nobles avaient autrefois l'amour et le sentiment des arts, mais à son tour il conviendra avec nous qu'ils ont bien dégénérés. Nos Echevins, si fiers de leur patrie, ne se reconnaîtraient guères dans leurs descendants, eux que l'on voyait toujours les premiers lorsqu'il fallait coopérer à quelque chose de grand et d'utile, lorsqu'il s'agissait d'une noble pensée ou d'un généreux sacrifice pour les intérêts et la gloire de la cité. Ouvrez la liste des socié- taires et cherchez y les représentants de la Noblesse. Maintenant comptez ceux du Commerce. A ceux-ci donc l'honneur de l'Exposition et la réalisation d'une société des Amis des Arts! C'est un fait déplorable, mais il faut le constater, l'art n'a plus, à pré- sent, d'intelligents appuis, et s'il se trouve encore quelques protecteurs dans les classes riches, il le doit, le plus souvent, au caprice de la mode, à un raffinement de luxe ou à un mouvement d'ostentation. Notre éducation sous le rapport des arts est encore à faire. En attendant, il faut venir en aide aux laborieux efforts des quelques hommes de cœur et de progrès qui ont entrepris, avec zèle et dévouement, cette grande œuvre parmi nous, 'l'ont début a ses difficultés et ses Vatonnements, et nous pensons que l'auteur des Lettres sur l'Exposition n'a pas fait une assez large part aux entraves et aux exigences qu'ont dû rencontrer les fondateurs de la Société des Amis des Arts. Ils ont eu à donner satisfaction à trop d'intérêts divers ; et c'était pour eux une question d'existence, tl leur fallait constituer d'abord, car c'est là un grand point en toutes choses. Les réformes arriveront avec l'expérience et le temps. La Société des Amis des Arts, nous aimons à l'es- pérer, dotera l'avenir des plus beaux fruits; et les vérités que nous allons re- produire , tout empreintes qu'elles sont d'aristocratie et de dédain pour les gens de commerce, pourront plus tard , sans doute , imprimer à celte institu- tion une nouvelle et salutaire direction. Léon BOITEL.