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                             «378
   C'est de ce billet que date un changement total dans la
destinée de Marmontel, puis aussi le bonheur vertueux
et inaltérable qui devait se projeter sur sa vieillesse.
   « Soit que M me de Montigny, continue Marmontel, fût
de prévenu en ma faveur, soit que ma bonhomie lui
convînt au premier abord, elle fut bientôt avec l'ami
ses frères comme un ancien ami qu'elle-même aurait retrou-
vé. Nous soupàmes ensemble. La joie qu'ils avaient tous
d'être réunis anima ce souper. J'y pi'is la même part que
si j'eusse été l'un des leurs. Je fus invité à dîner pour le
lendemain, et successivement se forma l'habitude de nous
voir tous les jours. Plus je causais avec la mère, plus j'en-
tendais parler la fille, plus je trouvais à l'une et à l'autre
ce naturel aimable qui m'a toujours charmé. Mais mon âge,
mon peu de fortune, ne me laissaient voir pour moi aucune
apparence au bonheur que je présageais à l'époux de
Mad"e de Montigny : et plus de deux mois s'étaient
écoulés sans que l'idée me fut venue d'aspirer à ce bon-
heur là.
   « Un matin, l'un de mes amis, et des amis de MM.Mo-
rellet, l'abbé Maury, vint me voir et me dire : — V o u -
lez-vous que je vous apprenne une nouvelle ? M"e de
Montigny se marie. — Elle se marie ! avec qui?—Avec
vous. —Avec moi! — Oui, avec vous-même. — Vous êtes
fou, ou vous rêvez. — Je ne rêve point, et ce n'est point
une folie : c'est une chose très-sensée, et aucun de vos
amis ne doute.
   « Ecoutez-moi, lui dis-je, et croyez moi, car je vous
parle sérieusement. M"e de Montigny est charmante ; je
la crois acomplie ; et c'est pour cela même que je n'ai jamais
eu la folle idée de prétendre au bonheur d'être son époux.
— Eh bien! vous le serez, sans y avoir prétendu. — A mon