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340 créait en ces moments toute une nouvelle existence dont il s'enivrait. Circonstance piquante et qui est bien de lui! cette nature qu'il aimait et qu'il parcourait en tous sens alors avec ravissement, comme un jardin de sa jeunesse, il ne la voyait pourtant et ne l'admirait que sous un voile qui fut levé seulement plus tard. 11 était myope, et il vînt jusqu'à un certain âge sans porter de lunettes ni se douter de la différence. C'est un jour, dans File-Barbe, que M. Ballanehe lut ayant mis des lunettes sans trop de dessein, un cri d'admiration lui échappa comme à une seconde vue tout d'un coup révélée : il contemplait pour la première lois la nature dans ses couleurs distinctes et ses horizons, comme il est donné à la prunelle humaine. Cette époque de sentiment et de poésie fut complète pour le jeune Ampère. Nous en avons sous les yeux des preuves sans n ombre, dans les papiers de tous genres, amassés devant nous, et qui nous sont confiés, trésor d'un fils. Il écrivit beau- coup de vers français et ébaucha une multitude de poèmes, tragédies,comédies,sans compter les chansons, madrigaux, charades, etc. Je trouve des scènes écrites d'une tragédie d'Agis, des fragments, des projets d'une tragédie de Con~ radin, d'une Iphigênie en Tauride.., d'une autre pièce où paraissaient Carbon et Sylla, d'une autre où figuraient Ves- pasien et Titus; un morceau d'un poème moral sur la vie; des vers qui célèbrent l'Assemblée constituante ; une ébau- che de poème sur les sciences naturelles; un commencement assez long d'une grande épopée intitulée VAmêricide, dont le héros était Christophe Colomp. Chacun de ces commen- cements forme deux ou trois feuillets, d'ordinaire, de sa grosse écriture d'écolier, de cette écriture qui avait comme peur sans cesse de ne pas être assez lisible, et la tirade s'ar- rête brusquement, coupée le plus souvent par des x et y, par