Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                                      341
la formule générale pour former immédiatement        toutes-
les puissances d'un polynôme quelconque : je ne fais que
copier. Vers ce temps, il construisait aussi une espèce
de langue philosophique dans laquelle il fit des vers. Mais
on a là-dessus trop peu de données pour en parler. Ce
qu'il faut seulement conclure de cet amas de vers et de
prose, où manque , non pas la facilité, mais l'art, ce que
prouve cette littérature poétique, blasonnée d'algèbre,
c'est l'étonnante variété, exubérance et inquiétude en tout
sens, de ce cerveau de vingt et un ans, dont la direction
définitive n'était pas trouvée. Le soulèvement s'essayait
sur tous les points et ne se faisait jour sur aucun. Mais
un sentiment supérieur, le sentiment le plus cher et le
plus universel de la jeunesse, manquait encore, et le cœur
allait éclater.
   Je trouve sur une feuille, dès long-temps jaunie, ces
lignes tracées. En les transcrivant, je ne me permets point
d'en altérer un seul mot, non plus que pour toutes les
citations qui suivront. Le jeune homme disait:

    « Parvenu à l'âge où les lois nie rendaient maître de moi-même, mon
 cœur soupirait tout bas de l'être encore. Libre et insensible jusqu'à cet âge,
il s'ennuyait de son oisiveté. Elevé dans une solitude presque entière, l'étude
et la lecture, qui avaient fait si long-temps mes plus chères délices , me lais-
saient tomber dans une apathie que je n'avais jamais ressentie , et le cri de
la nature répandait daus mon ame une inquiétude vague et insupportable.
Un jour que je me promenais après le coucher du soleil, le long d'un ruisseau
solitaire... »

  Le fragment s'arrête brusquement ici. Que vit-il le long
de ce ruisseau? Un autre cahier complet de souvenirs ne
nous laisse point en doute, et sous le titre : Amorum,
contient, jour par jour, toute une histoire naïve de ses
sentiments , de son amour, de son mariage , et va jus-