page suivante »
336 sentiment libéral que le premier éclat de tonnerre de 89 avait enflammé. D'illustres savants, dont on a relevé fréquemment les sécheresses morales , conservèrent aussi jusqu'au b o u t , et malgré beaucoup d'autres côtés moins libéraux, le goût, l'amour des sciences et de leurs progrès; mais, notons- le , c'était celui des sciences purement mathématiques, physiques et naturelles. M. Ampère, différent d'eux et plus libéral en ceci, n'omettait jamais, dans son zèle de savant, la pensée morale et civilisatrice, e t , en ayant recours aux résultats , il croyait surtout et toujours à l'ame de la science. En même temps q u e , déjà jeune homme, les livres, les idées et les événements l'occupaient ainsi, les affec- tions morales ne cessaient pas d'être toutes puissantes sur son cœur. Toute sa vie, il sentit le besoin de l'amitié , d'une communication expansive, active et de chaque ins- tant : il lui fallait verser sa pensée et en trouver l'écho autour de lui. De ses deux sœurs, il perdit l'aînée, qui avait eu beaucoup d'action sur son enfance ; il parle d'elle avec sensibilité dans des vers composés long-temps après. Ce fut une grande douleur. Mais la calamité de novembre C)3 surpassa tout. Son père était juge de paix à Lyon avant le siège, et pendant le siège il avait continué de l'être, tandis que la femme et les enfants étaient restés à la cam- pagne. Après la prise de la ville, on lui fit un crime d'a- voir conservé ses fonctions ; on le traduisit au tribunal révolutionnaire et on le guillotina. J'ai sous les yeux la lettre touchante et vraiment sublime de simplicité dans laquelle il fait ses derniers adieux à sa femme. Ce serait une pièce de plus à ajouter à toutes celles qui attestent la sensibilité courageuse et l'élévation pure de l'ame humaine