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en ces extrémités. Je cite quelques passages religieuse-
ment et sans y altérer un mot :

    « J'ai reçu, mon cher ange, ton billet consolateur; il a versé un baume
vivifiant sur les plaies morales que fait à mou ame le regret d'élre méconnu
par mes concitoyens, qui m'interdisent, par la plus cruelle séparation , une
 patrie que j'ai tant chérie et dont j'ai tant à cœur la prospérité. le désire
que ma mort soit le sceau d'une réconciliation générale entre tous nos frères.
 Je la pardonne à ceux qui s'en réjouissent, à ceux qui l'ont provoquée et à
 ceux qui l'ont ordonnée. J'ai lieu de croire que la vengeance nationale , dont
je suis une des plus iunocentes victimes, ne s'étendra pas sur le peu de biens
 qui nous suffisait, grâce à ta sage économie et à notre frugalité, qui fut ta
vertu favorite... Après ma confiance en l'Eternel, dans le sein duquel j'es-
père que ce qui restera de moi sera porté, ma plus douce consolation est
 que tu chériras ma mémoire autant que tu m'as éto chère. Ce retour m'est
dû. Si, du séjour de l'éternité, où notre chère fille m'a précédé , il m'était
donné de m'occuper des choses d'ici-bas, tu seras , ainsi que mes chers en-
fants , l'objet de mes soins et de ma complaisance. Puissent-ils jouir d'un
meilleur sort que leur père et avoir toujours devant les yeux la crainte de
Dieu, celte crainte salutaire qui opère en nos cœurs l'innocence et la justice,
malgré la fragilité de notre nature... Ne parle pas à ma Joséphine du malheur
 de son père, fais en sorte qu'elle l'ignore ; quant à mon fils, il n'y a rien que
je n'attende de lui. Tant que tu les posséderas et qu'ils te posséderont, em-
 brassez-vous en mémoire de moi : je vous laisse à tous mon cœur.

     Suivent quelques soins d'économie domestique, quel-
ques avis de restitution de dettes , minutieux scrupules
d'antique probité j le tout signé en ces mots : J.-J. Am-
père, époux, père, ami et citoyen toujours fidèle. Ainsi
mourut, avec résignation, avec grandeur, et s'exprimant
presque comme Jean-Jacques eût pu faire, cet homme
simple, ce négociant retiré, ce juge de paix de Lyon. Il
mourut comme tant de Constituants illustres, comme tant
de Girondins, fils de 89 et de 9 1 , enfants de la Révolu-
t i o n , dévorés par elle -, mais pieux jusqu'au bout, et ne
la maudissant pas !