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  lit et lavant ses assiettes elle lui reprochait son peu de fer-
  veur et lui parlait sans cesse de la mort. L'excellent h o m m e
  l'écoulait, riait et poursuivait sans peur son train de vie, ce
  qui désespérait la dévote et la faisait rougir pour l'honneur
  de la soutane. Un dimanche, pendant que les élèves du
  Collège entendait la messe, elle vit deux professeurs causer
  sur la place. Elle s'avance et leur dit avec une sainte
  colère en s'accompagnant d'un geste énergique : quoi! îles
  payens pour élever des chrétiens! Ces deux messieurs ne s'en
 fâchèrent pas. Mais deux jours a p r è s , la bonne femme! elle
 alla humblement leur faire ses excuses, s'avoua devant eux
 coupable de colère et de jugement téméraire, pleura p r e s -
 que son double péché et leur offrit en signe de repentir un
 bouquet formé de fleurs qui avaient pendant trois jours orné
 l'autel de la sainte vierge.
     Pour tout cela, elle est appelée : vieille folle! et cepen-
 dant moi qui ai ri d'elle et qui en ris souvent encoie , je le
 dis en conscience; j'accepterais volontiers sa folie pour
 avoir ses vertus. La mère Berthet est une femme de charité;
 elle vit pour les malheureux et non pour elle. Pauvre, elle
 soulage et distribue plus de consolations que les nobles et
 riches quêteuses des salons dorés, et tout cela sans faste, sans
ostentation. Elle veille les malades, ensevelit les m o r t s ; j e l'ai
vu au chevet d'un moribond, j'ai été ému jusqu'aux larmes des
soins affectueux, maternels dont elle l'environnait; il était
fort peu dévot et elle ne lui dit pas une seule fois le mot de
conversion, elle s'en fit aimer, elle adoucit ses derniers
moments. Que de courage en cette femme! après avoir
passé la nuit auprès d'un malade, elle reprend au matin ses
pénibles et actives occupations de femme de ménage, toujours
gaie, souriante, charitable. Lui arrive-t-il d'être chez de pau-
vres gens? au lieu de recevoir, elle donne les remèdes pres-
crits et que la misère ue permet pas aux parents de procurer;
elle les achète elle-même de son argent et si elle en manque
elle court chez ceux qu'elle connaît, demande à chacun un
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