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29 à mettre mes bottes imperméables. J'étais resté immobile dans la sotte position d'un homme qui a passé la première manche de son habit, et je laissais la seconde se dandiner mollement sur ma jambe. Celui qui m'était ainsi survenu fort heureusement pour vous n'est pas un flâneur. Il alla droit à ma bibliothèque, après un bon soir bien bref, prit un livre et repartit sans dire autre chose qu'un second bon soir plus bref encore. Sa brusque entrée avait favorisé mes apprêts, qui étaient ter- minés, lorsque la porte fut refermée par mon rapide visiteur. Mais au moment où je la rouvris , je reçus sur la face et à travers mon gilet mal fermé une terrible bouffée de vent glacé. Effrayé , je recule et vais trouver un asyle dans mon fauteuil •voluptueux, où je puis me cacher tout entier; alors je me demande s'il est donc nécessaire de commencer par une froide soirée de décembre un voyage qu'il me sera toujours loisible d'entreprendre au printemps. J'écoute le vent qui fait mugir les vitres et battre les volets. La paresse l'emporte sur la raison ; je calfeutre ma porte et ma fenêtre, par où faisaient irruption quelques bribes de vent ; j'allume mon ci- garre, je reforme l'architecture de mon poêle, dont le sourd ronflement me fait tressaillir d'aise , et bientôt je suis orien- talement caché sous un triple nuage de fumée ; elle m'as- siège , me pénètre ; elle donne à mon esprit une douce lan- gueur, et me voilà dans une extase amoureuse à considérer les sublimes trésors de ma cellule. Vraiment elle est charmante , ma chambre ; c'est un vrai bijou , non pas que son ameublement soit riche, élégant, gracieux ; que la couleur des rideaux soit calculée pour don- der un jour voluptueux, qu'elle ait même des rideaux; non pas que le lit soit caché dans une chaste obscurité , que le fauteuil en soit brillant, ciselé à l'antique, que la bi- bliothèque en soit riche et coquette ; non pas qu'elle sort couverte d'un moelleux tapis ou du moins richement par- quetée et qu'elle soit pleine de parfums ; hélas ! elle n'a