page suivante »
5 des citoyens. Le Rhône et la Saône sortirent de leurs limites et s'étendirent subitement dans la ville et les campagnes. Les deux rivières se réunirent sur la place Confort et n'en firent qu'une. Les ténèbres, le bruit des eaux et les cris confus des malheureux submergés augmentèrent'le désordre et offrirent le spectacle le plus effrayant. Tous les habitants du quartier Saint-Jean se réfugièrent en toute hâte sur la montagne ; ceux de l'autre rive, dans l'im- possibilité où ils étaient de fuir, attendirent la mort dans leurs maisons , à chaque instant sapées par les efforts des eaux, et s'écroulant de toutes parts. Ce furieux débordement alla toujours croissant depuis le samedi soir jusqu'au lundi suivant, à trois heures de l'après midi. Il causa de graves dommages à la cité. Trois arcs du pont du Rhône furent abattus par la violence du courant, et le faubourg de la Guillotière fut presque entièrement renversé. Ses habi- tants s'enfuirent dans la campagne, abandonnant, sans pouvoir les sauver, leurs voisins et leurs amis, emportés par les (lots. Une grange considérable, pleine de foin , nous rapporte M. Belandine (1), fut entraînée avec les boeufs qu'elle renfermait, et elle vogua pendant loug-lemps sur les eaux sans se démolir. Nous rapportons ce fait sans en garantir l'authenticité. M. de Mandelot, au profit duquel, eu 1571 , le duc de Nemours se démit de son titre de gouverneur de la ville, et le même qui, en 1572 , servit par ses coupables faiblesses , les affreux massacres de la Saint Barthélémy à Lyon, se conduisit admirablement dans cette inondation. 11 fit tout ce qu'il put pour secourir les malheureuses victimes de ce fléau ; il montra beaucoup de cou- rage et d'humanité; il sacrifia sa fortune, e t , selon Rubys, sa vie même se trouva plus d'une fois en danger (2). « Mizerai rapporte qu'une des principales causes de la prompte violence du courant, fut un rocher énorme q u i , arraché par les torrents des monta- gnes voisines du Pas-de-1'Ecluse , prés de Genève , servit pendant quelques jours de digue au Rhône , et le laissa ensuite se précipiter avec plus de fu- reur. Paradin , dans son style naïf, s'écrie : « 0 compassion ! ô misère dé- « plorable! Au moins quand tels accidents surviennent en plein jour, les « voisins, les amis peuvent se prêter la main et s'entre-secourir ; mais en « ce calamiteux débordement, advenu en pleine nuit, en temps nébuleux « et obscur, tel s'efforçait de sauver son frère, sa femme et ses enfants, qui « lui-même s'allait perdre. Tel cuidait sauver son bien , qui perdait la vie ; ( ï ) Tableau historique , t. I , p- 25o. ( i ) Voir les Mémoires pour servir à 1 Histoire de L j o n pendant la Ligue, contenant ce c^tii s'est passé de plus remarquable dans le Lyonnais depuis l'année 1568 jusqu'à la fin de 1 5Q0 , par D. Thomas, ancien bibliothécaire. (Revue du Lyonnais; tome a, p . l a ) .