Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                        ENFANTILLAGE                       223

   Mais les regards curieux des Allemands ne nous gênaient
en rien ; la partie de barres continuait, les rires et les cris
redoublèrent ainsi que lagaîté pendant qu'une idée burles-
que, mise aussitôt à exécution, germait dans la tête de
quelques hommes de la septième compagnie.
   Les mobiles de cette compagnie logeaient en grande
partie dans une maison abandonnée, située à gauche et un
peu en contre-bas de la route de Belfort à Offemont, près
des bâtiments ayant servi à l'exploitation d'une fonderie ;
cette maison avait été baptisée par les occupants : Fort de
Vaise. Ce nom d'ailleurs s'étalait en gros caractères, au
charbon, sur la muraille.
   Derrière cette maison avait été remisé un avant-train, qui
devait servir, en temps ordinaire, au charroi des gros troncs
d'arbres. Nos camarades Curbillon, Soullier, Fenouillot,
Perraud et Namian attachèrent sur cet avant-train un vieux
cornet de poêle hors d'usage et, à un moment donné, ils
firent signe aux joueurs de barres qui vinrent s'atteler, avec
force gestes et simulacre d'efforts, au timon de cette étrange
machine et l'amenèrent au milieu de la route, où quelques
instants avant ils se livraient à leurs joyeux ébats.
   L'avant-train, muni de son cornet de poêle, pouvait, à
une certaine distance, ressembler à un canon monté. C'est
sur cette ressemblance que comptaient nos jeunes mobiles.
Quatre ou cinq d'entre eux, imitant autour de l'instrument
le travail habituel des artilleurs, se mirent en devoir
d'ajuster, de charger, de pointer la pièce et firent tant et si
bien que les Allemands groupés au sommet de l'Arsot,
croyant avoir devant eux une réelle pièce d'artillerie et
craignant de recevoir une décharge de mitraille, se sauvè-
rent en grande hâte, disparurent et ne se montrèrent plus
à ce poste d'observation.