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                        EN OISANS                       195

   Vers un des plus mauvais passages, nous apercevons à
quelques mètres de nous deux morceaux de corde accrochés
à une anfractuosité. Gaspard nous dit que c'est la corde
 abandonnée par les Zsigmondy ; elle est en manille à filet
 vert, elle est devenue tout à fait blanche sous l'action de
l'oxygène. Mon frère s'empare d'un des morceaux et le
roule autour de lui : il veut le faire figurer dans nos souve-
nirs d'ascensions.
   Nous reprenons pied au campement de Castelnau et
buvons un peu de cognac. Puis encore une petite heure de
muraille verticale (ce n'est rien, on s'habitue à tout !) et
nous serons à la Pyramide Duhamel.
   La pyramide c'est le port, c'est la fin des difficultés, de
ces difficultés interminables, énervantes, qui sont le côté
mauvais de l'ascension, c'est surtout le repos de l'esprit qui
commence à être harassé de fatigue sous cette tension forcée,
ennemie de toute distraction.
   Impossible donc d'admirer le soleil couchant qui fait
chatoyer les cimes sous des lueurs violacées ou dorées,
impossible de contempler, sur nos têtes, le ciel pâlissant
qui s'assombrit en des nuances exquises.
   Enfin nous sommes à la Pyramide sans accident, sans un
faux pas. Mais cette attention continuelle qu'il faut apporter
à chaque mouvement du corps, m'a donné une migraine
qui ne passera que sur le glacier.
   A présent le grand couloir est pour nous une promenade,
un peu longue, il est vrai, car nous procédons très lente-
ment : nous savons qu'en montagne les malheurs arrivent
presque toujours là où ils ne sont plus à redouter. Trop de
précautions ne nuit jamais, de sorte que nous arrivons
intacts sur le Glacier des Étançons ; nous le descendons au
plus vite ; l'obscurité fond sur nous et la nuit nous prend