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                        EN OISANS                       139

   « Tu as peut-être tort de l'attacher, lui dit Turc, le
vent va t'enlever avec! » Roderon fait la grimace, mais
selon son habitude,

        « Il garde de Conrard le silence prudent. »

   Enfin., nous chevauchons l'arête coupante que l'on suit à
califourchon, une jambe sur la Grave et l'autre sur les Etan-
çons. Tout à coup le roc se redresse violemment dans un
ressaut qui surplombe de tous côtés. C'est le « Chapeau de
Capucin » ou « Cheval-Rouge » la dernière défense, la
plus effrayante de prime abord, de la Meije désormais
vaincue!
   Il faut se glisser sur le versant de la Grave, puis monter
avec les mains, les genoux, comme on peut, ce mur qui
n est d'abord que perpendiculaire. Mais au-dessus, le roc se
penche vers vous, alors vous devez vous hisser avec les
mains seules, les pieds battant dans l'air... et ce n'est pas
le moment de lâcher prise : l'à-pic est de quelque mille
mètres.
   Tel est le Chapeau de Capucin, épouvantable, vous le
voyez! mais extrêmement facile à franchir. En effet, outre
l'attraction vers le haut, produite par l'effort de biceps de
votre guide qui tient la corde très tendue, vous pouvez
encore vous servir d'une autre corde fixée au rocher. Dans
ces conditions vous ne pourriez pas ne pas monter.
    Alors nous nous hâtons vers le sommet. Les derniers
 pas sont un jeu, nous courons presque (parmétaphore!)sur
 la dernière arête toute brisée par la foudre, enfin nous
 poussons un hurrah triomphal, nous foulons aux pieds la
 superbe Meije!