page suivante »
322 BIBLIOGRAPHIE. est bien sûr que Mireille parle sincèrement et ue veut pas se jouer de lui, Vincent s'écrie-t-il dans son exaltation : « — .le t'aime, ô fille enchante- resse, au point que si tu disais : Je veux une étoile ! il n'est traversée de mer, ni bois, ni torrent fou ; il n'est bourreau, ni feu, ni fer, qui m'arrêtât ! Au bout des pics, touchant le ciel, j'irais la prendre, et dimanche tu l'au- rais pendue à ton cou. » De ce jour, enfermant son secret dans son cœur, Mireille refuse les hommages de tous ses prétendants, et le berger Alà ri, et Veran, le gardien de chevaux, et !e farouche Ourrias, le dompteur de taureaux. Ce dernier se venge sur Vincent en cherchant à l'assassiner: mais le meurtrier est englouti la nuit de la Sainl-Mcdard par la procession des noyés, et les Trêves dansent au-dessus de son corps sur la cime argentée des flots. Vincent est guéri de sa blessure par les sortilèges de la sorcière Tavèn, qui évoque devant les deux amants toutes les apparitions fantastiques de la Provence : l'horreur et la bizarrerie de ces apparitions rivalisent avec les scènes les plus étranges du Walpurgisnactstraum de Goethe. Cependant, le père de Vincent, sur les instances de son fils, se décide à demander la main de Mireille. Le riche fermier repousse comme une injure celte demande de la part d'un vagabond couchant aux meules, et accable sa fille des reproches les plus violents. Dans son désespoir, Mireille se souvient que Vincent lui a recommandé autrefois de recourir à la dévo- tion des Saintes-Maries lorsqu'elle succomberait sous le poids de quelque chagrin. Elle s'échappe, la nuit, de la maison paternelle, oubliant, dans sa précipitation, de se couvrir la tête du vaste chapeau des filles de Pro- vence. Le soleil la surprend tète nue, le lendemain, errante à travers les déserts de la Crau. Après une nuit passée sous la tente d'une famille de pêcheurs, elle se remet en marche à travers la Camargue; le soleil, plus ardent encore que la veille, frappe cruellement la vierge délicate. Mourante, elle se traîne jusqu'à l'église des Saintes-Mariés, qui lui apparaissent et la consolent. C'est alors que le père et la mère de Mireille, puis Vincent, arrivent à sa recherche ; ils la trouvent exhalant une dernière prière avec son dernier soupir, heureuse de mourir, attentive aux chants lointains du ciel qu'elle entrevoit. Vincent se précipite sur ce corps inanimé qu'il élrcint avec le délire du désespoir, tandis que le cantique des Saintains résonne dans la vieille église, demandant la paix éternelle pour cette âme envolée. Ainsi finit le touchant récit que nous devons au poète provençal. Sur cette donnée si simple, il a trouvé le moyen de décrire toute la Provence, avec ses fêtes, ses luttes, ses combats de taureaux, ses traditions, ses croyances, ses paysages étincelants de lumière. Les descriptions sont si vraies, si poétiques, qu'on no peut lui en vouloir d'en avoir entravé quel- quefois un peu longuement l'action pleine d'intérêt que nous venons d'es- quisser. Mais aussi, lecture faite do ce poème attrayant qu'on voudrait ne jamais lermer, on connaît la Provence mieux que par un long voyage- J. de LCCAC. La Société d'histoire et d'archéologie de Chalon-sur-Saône vient de publier la première partie du tome IV de ses mémoires : les travaux qui y sont contenus méritent une mention toute spéciale. C'est d'abord la description de divers objets antiques et inédits conservés à Chalon : 1° un groupe en pierre blanche représentant un gladiateur terrassé par un lion ; la sculpture est médiocre pour ne pas dire mauvaise, mais très curieuse par les détails qu'elle reproduit et la rareté du sujet ; 2° Une crosse en ivoire du XI e siècle ; 3° un crucifix, ayant servi de croix processionnelle, en bronze doré et émaillé, portant les caractères des