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ÉLOGE 'DE C. BONNEFOND. 193 tout a fait itali'enne. Dans la première le coloris assombri par l'exagéraiion des demi-teintes tend un peu au noir. Dans la seconde, au contraire, la lumière du soleil chaude, vigou- reuse, inonde la scène. Dans la première Bonnefond ne représente que des intérieurs; dans la seconde, il prend ses fonds dans la campagne de Rome avec ses lignes sim- ples et sévères, sa verdure sombre et ses montagnes bleues. Dsns la première manière, le pinceau est précieux, la touchefine,légère, accuse une habileté d'exécution peu com- mune et une grande adresse de main. Dans la seconde , le faire plus large ne perd rien de l'habileté d'exécution qu'on remarque dans la première ; mais le pinceau a plus de har- diesse, il y a plus de savoir et moins de cette timidité qu'on remarque parfois dans ses premiers tableaux. Dans la se- conde enfin, l'artiste a grandi et marche d'un pas plus assuré. On voit qu'il a la conscience de ses progrès. Une autre différence qui ne sert pas peu a caractériser les deux manières de Bonnefond, c'est la différence des moyens d'expression. Dans ses tableaux, exécutés à Lyon, on voit qu'il n'avait pas encore compris l'expression intérieure, mais plutôt la contraction extérieure. C'est à Rome que se fit cette longue et difficile étude. Les avis d'Orsel, les conseils de Guérin, les observations que Bonnefond put faire lui-même journellement sur les expres- sions plus simples et plus profondes chez un peuple naturelle- ment grave comme celui de Rome, opérèrent cette transfor- mation. Bonnefond comprit que dans quelque circonstance de la vie que ce soit ce que l'homme ressent a l'intérieur se manifeste plus souvent dans les traits de son visage que par $es gestes, et que la moindre exagération de ceux-ci donne un air théâtral à une composition. C'est l'étude des expressions sur la nature qui fait les grands peintres comme c'est elle qui fait les grands comédiens. 13