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64 TRAITRE OU HÉROS ? Je ne puis me dissimuler qu'on n'admettra pas facilement les faits que je viens de raconter et qu'on voudra n'y voir qu'une fiction plus ou moins bien présentée. On m'objectera qu'ils sont trop héroïques pour pouvoir les concilier avec l'état de nos mœurs actuelles qui le sont si peu, et, pour appar- tenir à un siècle où la foi jurée n'inspire plus de miracles et ne fait plus de martyrs. Je répondrai que mon histoire peut n'être pas vraisemblable — et je le reconnais; — mais que pour l'honneur du serment et de la vertu qu'il conserve encore chez quelques peuples attardés, elle n'en est pas moins vraie. Quelques esprits moins absolus ayant égard au lieu de la scène, diront: « C'est en Sardaigne !... l'histoire n'est pas tout à fait impossible ; » et ils croiront n'avoir signalé par là que le rang peu avancé de cette pauvre île dans la voie du progrès, Ils lui auront rendu, au contraire ,une justice méritée et dont elle ne saurait être trop fière. Mais n'auront- ils pas condamné, en même temps, la prétendue civilisation des temps modernes qui, (oui en faisant notre orgueil, ne tend à rien moins qu'à rendre invraisemblable, partout où cette civilisation étend son empire, la vertu dèsintéresssèe, c'est-à -dire la seule vraie vertu? Je persiste donc à déclarer qu'il ne s'agit point ici d'une œuvre d'imagination. Je n'ai été que le rédacteur du récit qu'on vient de lire; j'en dois les faits h un éminent profes- seur de la Faculté de droit deCagliari, le vénérable docteur Deidda, dont je compte parmi mes plus précieux souvenirs d'avoir pu admirer de près , dans des relations devenues presque familières, le grand savoir, la gravité de caractère, unie à la plus rare aménité d'esprit, l'amour et la profonde connaissance des choses de son pays. Les particularités m'en ont été confirmées par un honorable négociant prussien établi en Sardaigne, M. Henri Shlickum, avec lequel j'ai eu des