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60 TRAITRE OU HÉROS? pas compris dans le traité, tu viens de l'y mettre et je l'y maintiendrai. » Se souvenant ensuite qu'il ne pouvait se mouvoir désor- mais que sous l'œil du maître qui disposait de sa personne : — u Notre déjeuner a été bien retardé aujourd'hui, ajouta- l-il avec une tranquillité aussi parfaite que si rien ne se fût passé entre Ulloa et lui ; conduis-moi à la grotte, et j'en rapporterai ce qu'il nous reste de provisions. » lis s'y rendirent tous deux. Lorsqu'ils en furent revenus et qu'ils eurent placé sur la pierre qui leur servait habituelle- ment de table, le pain, la viande et l'outre contenant leur boisson, Ephisio prit un morceau de pain, le présenta à Ulloa et le rompit avec lui ; puis, ayant mangé, il remplit de l'espèce d'hydromèle que j'ai déjà décrit une coupe en bois dont il élait constamment pourvu, selon l'usage des chasseurs et des pâtres. 11 y but légèrement le premier, la présenta à Ulloa qui y but également, et l'ayant reprise des mains de celui-ci, il répandit sur le sol, en forme de croix, ce qui restait du liquide au fond du vase. Cette libation à la terre de son jardin avait pour objet, conformément aux croyances du pays, de neutraliser les effets de !a malédiction qu'il avait prononcée le malin sur elle. Ulloa lui déclara alors qu'il se proposait de le conduire à Cagliari ; mais qu'il était décidé à lui servir seul d'escorte et à éviter les divers postes de chevau-lègers, voulant lui épargner les humiliations que lui préparait indubitablement son passage à travers le pays, sous la conduite de la force armée. Ephisio ressentit profondément un procédé dont la géné- rosité, si peu conciliable avec la prudence, était par cela môme le plus éclatant hommage qui pût honorer son carac- tère. Il en remercia Ulloa avec toute l'énergie des sentiments dont son cœur surabondait et qui faisaient tout à coup r e -