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46 TRAITRE OU HÉROS. considérer cette île (1). M. de La Marmora rend ce témoi- gnage aux Sardes, mais principalement aux pâtres, et, en gé- néral, à tous les montagnards, qu'ils sont sans rivaux dans l'art de rôtir les viandes à la broche et de les faire cuire sous les cendres chaudes ; et l'illustre observateur relate, avec son exactitude ordinaire, les divers procédés dont ils usent en ces circonstances. Ils valent que je m'y arrête. Les sauvages d'Amérique, au dire de M. de Chateaubriand, lorsqu'ils ont à faire rôtir une pièce de gibier, la suspendent devant un chêne embrasé au bout d'une gaule plantée en terre et abandonnent au vent le soin de tourner la proie du chasseur (2). Les montagnards sardes jugent plus prudent de ne s'en rapporter qu'à eux-mêmes d'un tel soin. Quand il s'agit de rôtir les viandes à la broche, ils se servent d'une lon- gue broche de bois ou de fer qu'ils tournent, accroupis au- près d'un feu très-ardent, avec une patience que Brillât-Sa- varin eût certainement élevée à la hauteur d'une vertu. Quand il s'agit au contraire de les faire cuire sous la cen- dre, ils creusent un trou en terre : après l'avoir bien uni et nettoyé el l'avoir tapissé de branchages et de feuilles, ils y placent la viande et môme l'animal entier tel qu'il a été tué, sans être écorchè, mais seulement vidé. Ils le recouvrent ensuite d'une légère couche de terre sur laquelle ils allument et entretiennent un très-grand feu pendant plusieurs heures. Ils cuisent de cette manière non seulement des moulons et des cochons entiers, mais encore des veaux et des génisses et rien n'égale, assure-t-on, la succulence de leur chair ainsi pré- parée. En certaines occasions, les pâtres prennent un cochon de lait, dans ce cochon de lait renferment des grives ou d'au- (1) La pernice e l'uno degli aspettipiû favorevoli ne quale si possa consi- derare la Sardegna. Deux chasseurs amis du R. Père, en avaient abattu cent sept en un jour. (2) Chateaubriand, les Natchez.