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100 CONSIDÉRATIONS SUR L'ÉPOPÉE. •avait dû être fourni en partie au poète par des traditions po- pulaires dont sa muse s'empara, qu'elle fondit dans un en- semble harmonieux et qu'elle consacra a jamais en leur im- primant le sceau immortel de son génie. A l'époque où il vivait, plusieurs siècles s'étaient déjà écoulés depuis qu'Uion et la dynastie de Priam avaient succombé sous l'effort de la Grèce réunie ; mais ce lointain même de la distance et du temps avait permis aux récits qui, de génération en géné- ration, transmettaient la mémoire de cette guerre fameuse, de s'envelopper d'une sorte d'auréole, au sein de laquelle les hommes et les faits revêtaient des apparences plus gi- gantesques, et où le ciel et la terre semblaient se toucher et se confondre. Sans doute, toutes ces divinités fabuleuses de la mythologie grecque deviendront plus tard de simples ma- chines poétiques, regardées comme telles etparle poète quiles mettra en jeu, et par le lecteur qui n'y ajoutera plus foi; mais, à l'époque d'Homère, ces divinités avaient, avec des autels, des multitudes d'adorateurs; elles étaient profondément en- racinées dans les croyances populaires, et, quoique fausses et mensongères, elles avaient usurpé la place du Dieu unique et véritable. Les dieux de l'Iliade et de l'Odyssée n'étaient donc point alors de pures fictions enfantées capricieusement par la féconde imagination du poète ; il les a représentés tels qu'on se les figurait de son temps, avec les passions et les vices de l'humanité, et aimant souvent a descendre des hau- teurs sereines de l'Olympe pour venir se mêler aux tour- billons tumultueux et aux agitations de la terre. Quant aux héros qui jouent un rôle dans ces deux poè- mes, c'étaient des héros nationaux dont la généalogie même n'était ignorée d'aucun Grec, et Homère a pu consulter plus d'une famille se prétendant issue de leur sang. La guerre de Troie avait dû être, dès le principe, pour la vive et brillante imagination des Grecs, un fonds inépui-